Faut-il investir dans un logement parisien pour le mettre en location saisonnière ? Est-ce plus rentable qu’une location à l’année ? Paris étant l’une des destinations phares des clients du site Airbnb, la réponse est plutôt oui, surtout aux tarifs pratiqués sur cette plate-forme. Mais le risque, c’est de voir tout doucement la capitale se transformer en une ville-musée, vidée de ses habitants. Airbnb, nouvel Eldorado des investisseurs locatifs ? Dans un précédent article, nous évoquions les bons et les mauvais côtés de l’investissement saisonnier. Rappelons ici quelques chiffres : en 2014, les hôtels de Paris et de l’agglomération parisienne ont enregistré 22,4 millions d’arrivées. Non seulement ce nombre de visiteurs ne prend pas en compte les locations d’appartements privés, mais en outre, parmi ces 22 millions de clients qui ont dormi à l’hôtel, combien seraient prêts, lors de leur prochaine excursion à Paris, à tenter l’expérience Airbnb pour se loger ? Et pourquoi ne seriez-vous pas l’un de ceux qui les accueilleraient pour une location saisonnière ? Paris, première ville Airbnb au monde Née il y a seulement 6 ans, la start-up américaine Airbnb enquille les records : elle pèse aujourd’hui plus de 20 milliards de dollars, compte 17 millions d’utilisateurs dans le monde, et s’étend dans 34 000 villes éparpillées dans 190 pays (soit 7 de moins que le nombre de pays officiellement reconnus par l’ONU !). On ne demande plus : « dans quel hôtel tu descends ? », mais : « tu as réservé un Airbnb ? ». En juin 2015, une étude (rapportée ici) révélait qu’en Espagne, le nombre de lits loués via Airbnb avait dépassé son équivalent hôtelier. Qu’en est-il en France, et particulièrement à Paris ? Les chiffres divergent. Début 2015, les experts évoquaient 40 000 logements ; mais une enquête de la Deutsche Bank publiée en janvier 2016 (et citée dans cet article) estime ce nombre à plus de 88 000 appartements. En tout état de cause, Paris est la première ville Airbnb au monde, loin devant San Francisco, où la plate-forme a vu le jour. Une rentabilité très attrayante Si l’on en croit une estimation du Sénat, un propriétaire qui mettrait son logement en location sur Airbnb pourrait gagner en moyenne 3 600 € par an. Or, les experts de la question, s’ils ne sont pas tous d’accord entre eux, ont du moins un point commun : ils soulignent combien l’estimation sénatoriale est loin du compte. Et nous expliquent que les gains d’une location saisonnière bien gérée, pour un bien situé dans une zone touristique, peut largement dépasser les revenus d’une location classique de longue durée. Une étude menée par le JDN et MeilleursAgents.com révèle en effet qu’il suffirait de douze jours de location via Airbnb pour générer un revenu équivalent à un mois de loyer en location classique. En somme, la location Airbnb rapporterait 2,6 fois plus que son équivalent traditionnel (3,5 fois plus dans certains quartiers très touristiques selon le Huffington Post). Pour ce qui est des règles locatives, un particulier a le droit de louer sa résidence principale jusqu’à 4 mois par an, soit 10 jours par mois en moyenne. Au-delà de 4 mois, il doit en changer l’affectation et déclarer son bien comme « meublé de tourisme » auprès de la mairie, si et seulement si sa copropriété l’y autorise. Grandes disparités selon les quartiers Bien sûr, la rentabilité d’un bien sur Airbnb dépend grandement de son positionnement géographique. Hors des zones à très fort potentiel touristique, très demandées par les visiteurs, la rentabilité baisse jusqu’à un gain de 2 fois le montant classique du loyer, ce qui pousse à relativiser l’intérêt économique de la location saisonnière au regard des contraintes (disponibilité, périodes de vacances importantes, etc.). Voici une liste des quartiers parisiens dans lesquels louer son bien immobilier s’avère le plus rentable : Notre-Dame (4e arrondissement) : 1 216 € le m2 carré par an, contre 352 € en location classique ; rentabilité 3,5 fois supérieure. Saint-Germain l’Auxerrois (1er arrondissement) : 1 117 € contre 342 € ; rentabilité 3,3. Élysées/Madeleine (8e arrondissement) : 1 104 € contre 347 € ; rentabilité 3,2. Palais Royal (1er arrondissement) : 1 117 € contre 353 € ; rentabilité 3,2. Vivienne/Gaillon (2e arrondissement) : 1 117 € contre 347 € ; rentabilité 3,2. Monnaie (6e arrondissement) : 1 092 € contre 357 € ; rentabilité 3,1. Odéon (6e arrondissement) : 1 117 € contre 357 € ; rentabilité 3,1. Saint-Placide (6e arrondissement) : 993 € contre 322 € ; rentabilité 3,1. Triangle d’Or (8e arrondissement) : 1 104 € contre 355 € ; rentabilité 3,1. Place Vendôme (1er arrondissement) : 1 098 € contre 368 € ; rentabilité 3. En bref : faut-il céder aux sirènes de la location Airbnb ? Louer sa résidence principale sur Airbnb pour arrondir ses fins de mois, c’est une chose (pour peu que l’on ait un autre endroit où dormir). Investir dans un appartement uniquement pour de la location saisonnière en est une autre. Les niveaux de rentabilité, on l’a vu, peuvent être élevés dans certains quartiers, mais au prix d’achat dans ces zones (voir les tarifs moyens du mètre carré par arrondissement ici), pour atteindre un gain intéressant, il faut que le logement soit loué 85 % du temps, taux d’occupation maximal prévu sur une plate-forme de ce type. Or, pour atteindre ce taux d’occupation, il faut non seulement se déclarer en « meublé de tourisme », et verser des taxes ad hoc (et investir en parallèle dans un autre bien afin de compenser la perte de surface habitable), mais encore pouvoir gérer sa mise en location à l’année. Ce qui implique du temps, de l’énergie et de l’argent, en grandes quantités. Et pas question de jouer au hors-la-loi pour louer au-delà de 4 mois sans mot dire : la ville de Paris s’est lancé dans une lutte sévère contre les contrevenants, et Airbnb a signé un accord avec la municipalité (à lire sur cette page) pour l’y aider. Néanmoins, si l’aventure vous tente, nous vous recommandons de bien faire vos calculs et d’utiliser un simulateur de prêt immobilier afin de pouvoir déterminer quel taux de rentabilité il vous faudra atteindre pour ne pas perdre d’argent lors du remboursement de votre crédit avec la location saisonnière. Airbnb pourrait-il transformer Paris en ville-musée ? Une rentabilité 3,5 fois supérieure à la moyenne d’une location longue durée, voilà qui a tendance à faire rêver les propriétaires. Quitte à tomber dans l’illégalité. Une situation qui n’a pas manqué d’attirer l’attention de la mairie de Paris, qui estime à quelques 20 000 ou 30 000 le nombre d’appartements qui seraient loués dans la capitale sur de courtes durées, mais de manière illégale. Pour Ian Brossat, adjoint à la maire de Paris chargé du logement, il y a le risque d’une contradiction importante : déployer des efforts considérables pour construire 10 000 logements neufs chaque année, dans une ville fortement densifiée où la place est un luxe, mais perdre, en parallèle, des quantités astronomiques de surfaces d’habitations à cause des contrevenants qui louent illégalement sur Airbnb (et d’autres plates-formes du même type). Cet article rapporter une étude de l’Insee qui tend à lui donner raison : trois arrondissements très prisés par les touristes (le 1er, le 4e et le 6e) ont récemment perdu des habitants. Le risque, c’est de transformer, à terme, le centre-ville de Paris en musée vivant : une cité dédiée uniquement aux touristes, à l’image de ce que sont devenus les centres de Venise et, plus récemment, de Barcelone. Avec, en bout de course, une zone où les locataires longue durée n’existeraient quasiment plus.