Les banques françaises défendent le prêt à taux fixe

Selon le quotidien les Échos.fr, les représentants de grandes banques françaises craignent que de nouvelles règles du comité de Bâle mettent le prêt à taux fixe en danger. Car il semblerait que le comité souhaite gérer le risque de taux de plus près. Et selon les banques, les conséquences de cette nouvelle surveillance seraient automatiquement déplacées vers l'emprunteur.

Le risque de taux en question

Une banque possède des fonds propres, mais ils ne suffisent pas à lui assurer ses activités de crédit. Pour cela elle dispose de 2 sources de financement : la Banque Centrale Européenne (BCE) et d'autres banques. C'est ainsi que les établissements bancaires souscrivent des prêts entre eux, quelquefois avec garantie, quelquefois sans garantie.

Certains de ces prêts interbancaires sont remboursables sous 24 h, leur objet est donc uniquement de couvrir un besoin de trésorerie. Oui mais voilà : que se passe-t-il lorsque ce mécanisme se trouve grippé par une hausse des taux d'intérêt ? La réponse est claire : la banque emprunteuse est obligée de rogner sur sa marge.

C'est ce que l'on appelle le risque de taux, à savoir l'impact des variations des taux d'intérêt à la hausse sur le bilan d'une banque. Car les emprunteurs français préfèrent le taux fixe, et les prêteurs aussi. À titre d'exemple, en mai 2014 seuls 4 % des prêts immobiliers accordés l'ont été à taux variable. L'année dernière à la même période, la proportion était de 8,4 % (source Crédit Logement/CSA).

Emprunter à taux fixe permet à une banque de connaître à l'avance le montant des intérêts qu'elle va percevoir, sauf défaut des emprunteurs. En revanche, lorsque les taux d'intérêt augmentent, une banque pourrait avoir à augmenter ses dépenses sans pour autant pouvoir augmenter les revenus qu'elle tire de l'intérêt des prêts qu'elle accorde. Pour se débarrasser de ce fardeau, elle dispose actuellement de la solution de la titrisation, solution prisée par la Banque de France.

Quel est le rapport avec le taux fixe dans tout cela ? Eh bien la commission de Bâle pourrait chercher à harmoniser le risque de taux. Et la menace semble sérieuse, car le quotidien les Échos.fr s'est procuré la copie d'une lettre envoyée par les représentants de banques françaises, japonaises, allemands et belges, au comité de Bâle.

 

Vers une comptabilité harmonisée

La partie comptabilité des fonds destinés au trading d'une banque et sujette à surveillance. Les accords de Bâle obligent les établissements bancaires à suivre une certaine ligne de conduite, ce qui permet d'installer des gardes-fous (certes relatifs, mais des garde-fous tout de même), autour des activités de trading.

En revanche la partie relative aux produits bancaires, et donc au crédit à taux fixe et variable, n'est pas surveillée par un organisme extérieur. La bonne gestion des comptes ne concerne que le département de surveillance interne à la banque.

Le comité de Bâle pourrait bien chercher à durcir les règles, en appliquant une surveillance sur toute la partie comptabilité des produits bancaires, y compris les crédits. Pour les banques concernées, ces remises en question déboucheraient sur l'obligation de mettre en place un système leur permettant d'éviter les risques de taux.

Selon le quotidien les Échos.fr, dans leur lettre au comité de Bâle les banques pensent que cette nouvelle surveillance pourrait « mettre en danger la capacité des banques à octroyer des crédits immobiliers à taux fixe, alors que cette pratique a été une source de résilience pour les banques au cours de la dernière crise ».

 

Déplacement du risque vers l'emprunteur

Si les craintes des banques auteurs du courrier sont avérées, la conséquence pourraient être le passage au prêt à taux variable. Lorsque le taux d'un crédit en France est variable, son évolution dépend généralement de l'indice EURIBOR. Il ne peut donc pas varier en fonction de la situation financière de l'établissement prêteur, mais pourrait tout de même rendre l'emprunteur dépendant des marchés financiers.

Car l'indice EURIBOR correspond au taux auquel les 50 plus grandes banques européennes se prêtent à très court terme sans garantie. Ainsi lorsque l'argent coûte cher, l'emprunteur paiera plus cher ses mensualités de crédit. Dans un monde idéal l'inverse serait également exact, à cette différence près que certains contrats de prêt immobilier à taux variable n'incluent pas de possibilité de baisse.

Force est de constater cependant que la BCE a toujours joué son rôle de soutien de l'économie. Son directeur général, M. Mario Draghi, a même annoncé une baisse historique du principal taux directeur à 0,25 %. À ce niveau, les emprunteurs ayant souscrit un taux variable sont pour l'instant bien protégés.

 

Pourquoi les banques préfèrent elle le taux fixe ?

L'argument principal des banques en faveur du taux fixe est sa résistance en temps de crise. Tout le monde garde en mémoire la crise des subprimes survenue aux États-Unis à partir de 2007. Le piège du crédit à taux variable, qui concernait la quasi-totalité des emprunteurs nord-américains, s'est refermé sur les accédants la propriété.

Car les organismes de crédit avaient accordé des prêts immobiliers à tour de bras, sans vraiment se soucier de la capacité de remboursement des emprunteurs.

Les taux étaient fixes, et bien peu parmi les contrats incluaient une sécurité de hausse de taux. Ainsi lorsque l'économie des pays émergeant n'a finalement pas pris la direction espérée, beaucoup des banques qui y avaient investi ont commencé à perdre de l'argent. Par effet domino, cette perte s'est reportée sur la hausse des mensualités des emprunteurs.

Si le marché du crédit nord-américain avait été principalement à taux fixe, il n'y aurait pas eu de crise économique mondiale.

 

L'emprunteur français préfère un taux fixe

Le consommateur français est prudent. Il privilégie les épargnes à capital garanti comme le livret A et l'assurance-vie, et choisi d'investir dans la pierre pour se construire un patrimoine. Autant dire qu'il ne veut pas entendre parler d'un prêt à taux variable.

Son raisonnement est simple : il se dit que s'il doit aujourd'hui payer des mensualités de 1300 € sont prêt immobilier, il paiera ces mêmes mensualités dans 15 ans. Pendant 15 ans ses revenus vont augmenter, pas ses mensualités. Il bénéficiera donc d'un meilleur pouvoir d'achat.

Et pourtant le prêt à taux variable n'est pas complètement à rejeter. Car il est toujours possible de négocier une levée des pénalités de remboursement anticipé, afin de compenser le risque. Le prêteur propose également un taux initial particulièrement bas, appelé taux d'appel. Si l'on installe une longue phase de révision, l'emprunteur bénéficiera ainsi de premières mensualités relativement attractives.

Il est par ailleurs possible d'allier les avantages du prêt immobilier et du prêt à taux fixe, à travers une formule à taux mixte. Elle sera particulièrement intéressante pour les personnes souhaitant revendre à moyen terme.

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