Lors de sa réunion de ce jour, très attendue après les déclarations de Mario Draghi en juin qui avait entrainé le taux d’emprunt d’Etat à 10 ans en territoire négatif, la Banque centrale européenne a laissé ses taux inchangés mais ouvre la porte à de nouvelles baisses dans les mois à venir…Dans ce contexte inédit de taux records, découlant d’une politique monétaire qui pourrait devenir « très accommodante », les banques disposent de liquidités qu’elles préfèrent actuellement prêter - même à des taux très bas - plutôt que de les placer auprès de la BCE, à taux négatifs ! Ceci entraîne une forte concurrence interbancaire qui devrait encore tirer légèrement les taux vers le bas et conduire à un niveau de production de crédits immobiliers records en 2019. Quelles sont toutefois les conséquences de la baisse spectaculaire et historique des taux de crédit immobilier observée mois après mois ? Quelle politique monétaire va adopter Christine Lagarde, qui va succéder le 1er novembre prochain à Mario Draghi à la tête de la BCE ? Chiffres et analyse de Crédit Logement CSA, de Vousfinancer et de Magnolia.fr. Les taux ne sont pas près de remonter ! Le taux d'intérêt moyen des crédits immobiliers accordés aux particuliers en France s’est établi en juin dernier à son nouveau plus bas historique, à 1,25% (hors assurance), après avoir déjà atteint un niveau plancher en mai à 1,29%, selon les chiffres dévoilés le 16 juillet dernier par l’observatoire Crédit Logement CSA. Allant de record en record, ce taux a également chuté en juillet à 1,21%. Crédit Logement CSA observe par ailleurs un allongement des durées de prêts (plus de 19 ans en moyenne) et une diminution du montant de l'apport personnel (moins 8% au premier semestre 2019). Taux été 2019 : 4 fois moins élevés qu’en 2000 et 10 fois moins élevés qu’en 1990 ! « Les taux des crédits immobiliers baissent toujours et ils sont descendus au niveau le plus bas constaté jusqu'alors, en deçà de leur plancher de l'automne 2016 », souligne l'observatoire Crédit Logement/CSA dans son communiqué mensuel. Pour info, l'observatoire relevait le mois dernier que le taux moyen était « 4 fois moindre qu'au début des années 2000 et presque 10 fois moins élevé qu'au début des années 90. » A noter que le coût d'emprunt réel reste très faible (l'inflation demeure à seulement 1,2% en juin). Même constat chez le courtier Vousfinancer : « en juillet, dans le sillage de la baisse des taux d’emprunt d’Etat, on observe encore des baisses de taux mais plus modérées (de 0,05 % à 0,15 %) et essentiellement dans les banques régionales. Les banques nationales ont pour l’instant laissé leurs taux inchangés… Des conditions d’emprunt exceptionnelles…pour les dossiers premium Les taux de crédit immobilier moyens sont actuellement en légère baisse à 1,20 % sur 15 ans, 1,40 % sur 20 ans et 1,60 % sur 25 ans, avec de nouveaux taux records négociés pour les meilleurs profils à 0,6 % sur 15 ans, 0,80% sur 20 ans et 1 % sur 25 ans », témoigne Sandrine Allonier. Pour preuve, à l’agence Vousfinancer de Nantes, un couple de 38 ans, avec 3 enfants, primo-accédants, CSP +, gagnants 7 500 € nets/mois ont pu acquérir une maison ancienne à 750 000 €. Ils ont mis sur la table 15 % d’apport et ont obtenu un prêt sur 2 lignes au taux ultra préférentiel de 0,85 % sur 15 ans et 1 % sur 25 ans, soit un taux moyen à 0,93 %. Du jamais vu ! Encore mieux : un couple âgé respectivement de 33 et 34 ans, médecins, percevant 14 000 € par mois de revenus, primo-accédants, ont pu s’offrir une maison à 800 000 € avec un taux ultra attractif de 0,80 % sur 20 ans. Toutefois, ils ont dû mettre 25 % d’apport pour pouvoir bénéficier de conditions aussi favorables. Le coût de l’assurance emprunteur plus élevée que le coût du crédit ! « La baisse spectaculaire et historique des taux à laquelle nous assistons n'est pas sans conséquence : Les dossiers de demandes de crédit s'entassent sur les bureaux des conseillers. Certaines banques en viennent à refuser les dossiers sans apport », témoigne Astrid Cousin, porte-parole de Magnolia.fr. « Une banque vient même de décider de ne plus prendre les dossiers sans apport dans certaines régions, jusqu'à mi-septembre, avec prolongation possible… », rapporte de son côté Sandrine Allonier. Par ailleurs, « les renégociations de crédit demandent des critères de plus en plus exigeants ... Et dernière conséquence non des moindres : « le coût de l'assurance en vient à dépasser le coût du crédit ! », souligne Astrid Cousin, porte-parole de Magnolia.fr. Levier pour faire des économies : l'assurance emprunteur ! « Dans le cas d'une assurance groupe, le constat est très clair : pour un crédit de 250 000 euros sur 20 ans, un couple de 40 ans paiera aujourd'hui son crédit 35 406 euros soit 500 euros de moins que l'assurance, servant à couvrir ce même crédit ! En revanche, cela concerne seulement les contrats groupes proposés par la banque prêteuse. En choisissant une assurance externe à celle de sa banque, le coût du crédit et de l'assurance reste équilibré et proportionné. Cependant, n'oublions pas que les banques détiennent 85% du marché de l'assurance emprunteur en proposant des tarifs 2 à 3 fois supérieurs à ceux de la délégation donc que ce cas de figure va se généraliser. Si la baisse des taux continue, l'impact sera de plus en plus important. Dorénavant, le levier pour faire des économies est bien l'assurance emprunteur ». Politique monétaire « très accommodante » de la BCE Pas de baisse des taux directeurs de la BCE dans l’immédiat mais une possibilité dans les mois à venir : Alors qu’on évoquait en janvier 2019 une éventuelle hausse des taux à l’été, la Banque centrale européenne a laissé ce jour ses taux inchangés mais en donnant à sa politique une nouvelle tournure, qui pourrait devenir encore plus accommodante. Le conseil des Gouverneurs de l’institution a indiqué que les taux directeurs resteront à l’avenir sur ces niveaux « ou plus bas au moins jusqu'à la fin du premier semestre 2020 » et « aussi longtemps que nécessaire », confirmant que le fait qu’une hausse n’est plus envisagée avant au moins mi 2020…Ce spectre s’éloigne donc encore dans le temps d’autant que la BCE a réaffirmé la nécessité de mettre en place une politique monétaire très accommodante pour « une période prolongée », compte tenu du niveau de l’inflation, inférieur à son objectif de 2 %…Mario Draghi s’est dit « déterminé à agir en ce sens » et à soutenir l’économie tant que cela sera nécessaire. Christine Lagarde encline à stimuler activement l'économie, comme M. Draghi Christine Lagarde qui va succéder à Mario Draghi devrait poursuivre la même politique monétaire accommodante que son prédécesseur dès sa prise de fonctions le 1er novembre prochain. Pour info, dans ses fonctions au FMI, Christine Lagarde a toujours approuvé l'action de Mario Draghi. En tout cas, Il n’y a pas de raisons qu’elle remonte les taux. « C’est comme si on suspendait à un malade son traitement antibiotique du jour au lendemain », compare Sandrine Allonier pour illustrer le contexte. Crédit immobilier toujours rentable pour les banques Depuis les déclarations de Mario Draghi le 18 juin, le taux d’emprunt d’Etat à 10 ans est descendu pour la première fois sous les 0 %, oscillant depuis un mois aux alentours de – 0,10% avec un nouveau record atteint ce matin à - 0,17 %. Avant mi-juin, le dernier record en date était de 0,10 % en juillet 2016… Aujourd’hui lors de son discours, Mario Draghi, a confirmé le choix d’une politique monétaire très accommodante. « Les banques disposent de liquidités - plus ou moins importantes selon les établissements - qu’elles ont la nécessité de placer. Le faire auprès de la Banque centrale européenne est sans risque, mais devrait leur couter de plus en plus cher, ce qui représente une charge pour elles. Elles préfèrent donc placer leurs liquidités en prêtant aux particuliers d’autant qu’en France, le taux de défaut sur les crédits immobiliers est le plus faible d’Europe. Et même si la rentabilité sur les crédits immobiliers est faible, elle reste positive ! » analyse Jérôme Robin, directeur général de Vousfinancer. « Sélectivité accrue des banques » C’est pourquoi les banques ont toutes la même stratégie : une politique offensive sur le crédit immobilier qui les conduit à baisser leurs taux, mois après mois, notamment sur les meilleurs profils. « Les écarts de taux entre les profils se creusent à nouveau… Les banques ciblent toutes les clients haut-de-gamme, quitte à dégager une plus faible rentabilité au départ sur le crédit en raison des taux très faibles mais avec un risque proche de zéro et un remboursement rapide, donc des liquidités qui pourront à nouveau être placées dans 10 ans... » explique Sandrine Allonier porte-parole de Vousfinancer. Septembre est le mois des projets immobiliers mais les banques ne pourront pas traiter tous les dossiers », prévient Sandrine Allonier. Les taux de crédit peuvent-ils encore baisser ? Tant que la Banque centrale européenne poursuivra sa politique, l’environnement de taux restera très bas et le discours de Mario Draghi « très pro-crédit » de ce jour l’a confirmé. « Compte tenu des prévisions de croissance dans la zone euro et du niveau de l’inflation, la BCE a réaffirmé sa volonté de maintenir aussi longtemps que possible sa politique accommodante qui a contribué depuis plusieurs années à maintenir d’excellentes conditions de crédit en Europe et notamment en France. C’est l’un des éléments aujourd’hui qui nous laisse penser que les taux de crédit ne vont pas remonter significativement, et ce même en 2020 » explique Jérôme Robin. « Baisse possible de taux de l’ordre de 0,10 % en septembre » Dans le contexte actuel de taux d’emprunt d’Etat négatifs, ou très faibles, les obligations perdent de leur attrait, tout comme d’autres placements comme les actions, plus volatiles avec des rendements moins attractifs actuellement…« Tant qu’il n’y aura pas de marchés offrant une meilleure rentabilité ou un meilleur couple rendement/risque que le crédit immobilier, la bataille du crédit se poursuivra, avec des baisses de taux à la clé, pour les meilleurs profils notamment. Même si à ce jour le potentiel de baisses reste tout de même limité ! » prévient Jérôme Robin. Les taux pourraient ainsi encore baisser de l’ordre de 0,10 % en septembre… Les chances de renégociations s’amenuisent En outre « les banques savent que les clients qu’elles vont capter en ce moment ont très peu de chances de renégocier leur prêt à l’avenir, car même si les taux baissent encore, ce sera de façon limitée mais sûrement pas de 0,70 ou 1 point, écart de taux nécessaire pour rendre une opération de renégociation intéressante… ce sont donc des clients qu’elles vont garder un certain nombre d’année, en moyenne 8 ans et qu’elles ont donc tout intérêt à capter… » conclut Jérôme Robin. En tout cas, vous l’aurez compris, les vannes du crédit bon marché ne sont pas près de se refermer. Alexandra Boquillon