En mars 2014, la loi Alur faisait des promesses au sujet des modalités d’établissement des états des lieux d’entrée et de sortie, pour les logements loués à usage de résidence principale. En mars 2016, le décret est enfin paru qui fixe ces modalités. Alors, qu’est-ce qui a changé pour l’état des lieux ? L’état des lieux : un incontournable de la location L’état des lieux contradictoire est une pierre angulaire de la location immobilière : en établissant une relation de confiance entre le bailleur et le locataire, il permet de prévenir les litiges qui pourraient naître entre les deux parties du fait de dégradations causées au logement. Et, le cas échéant, il offre de distinguer les responsabilités de chacun si des réparations s’avèrent nécessaires. Ce document est nécessairement « contradictoire » puisqu’il met en cause la responsabilité des deux parties, bailleur et locataire. Tous deux doivent être présents sur les lieux, en simultané, afin de constater l’état du logement au moment de la signature du bail (propreté, fonctionnement des prises électriques et des arrivées d’eau, état des meubles s’il y en a, etc.), et de pouvoir comparer la situation du logement à la sortie avec ce qu’elle était à l’entrée. On distingue alors les dégradations d’usure, à la charge du propriétaire, et les dégâts éventuels causés par le locataire, dont le coût des réparations peut être déduit du dépôt de garantie. Sans surprise, c’est l’état des lieux de sortie qui est la source de la grande majorité des litiges, puisqu’un locataire peut toujours refuser de signer ce document lors de l’état des lieux d’entrée s’il ne l’estime pas conforme. Le décret du 30 mars 2016 et ce qui change pour l’état des lieux Deux ans après la promulgation de la loi Alur portée par Cécile Duflot (celle-là même qui prônait l’encadrement des loyers à Paris), le décret d’application concernant les modalités d’établissement de l’état des lieux contradictoire a été publié. Il doit entrer officiellement en vigueur le 1er juin 2016, moment où la règle va s’imposer à « l’ensemble des locations d’un logement nu ou meublé à usage de résidence principale », comme l’indique le texte. Le champ d’application Le décret n°2016-382 du 30 mars 2016 s’occupe à la fois de l’état des lieux et de la vétusté des logements. Il s’applique à « l’ensemble des locaux et équipements d’usage privatif mentionnés au contrat de bail et dont le locataire a la jouissance exclusive ». Ce champ d’application n’a subi aucune modification par rapport à sa version précédente. Objectif de l’état des lieux Ce document a pour but de décrire, et de constater, l’état de conservation du logement. Voici la liste des informations qu’il doit obligatoirement comporter. État des lieux d’entrée dans le logement : S’il s’agit d’un état des lieux d’entrée ou de sortie ; La date d’établissement du document ; La localisation géographique du logement ; Les noms ou dénominations des parties, et le domicile du bailleur (ou la désignation idoine des mandataires qui ont été choisis pour établir l’état des lieux) ; Le relevé des compteurs d’eau et d’énergie (s’il y a lieu) ; Le détail et la destination des clés (ou de tout autre moyen d’accès aux locaux, qu’ils soient à usage privatif ou commun) ; La description de l’état des revêtements des sols, murs et plafonds, de l’état des équipements et de tous les éléments contenus dans le logement (et ce, pour chaque pièce ou partie du logement) ; Les éventuelles observations ou réserves, avec la possibilité de joindre des photographies des lieux (cette partie peut être complétée jusqu’à 10 jours après la tenue de l’état des lieux d’entrée, et jusqu’à 1 mois pour l’état des éléments de chauffage) ; Les signatures des parties ou des personnes mandatées. État des lieux de sortie du logement : La nouvelle adresse du locataire ; Un rappel de la date d’établissement de l’état des lieux d’entrée ; Le cas échéant, les évolutions de l’état de chaque pièce ou partie du logement constatées depuis l’état des lieux d’entrée. Forme de l’état des lieux Pour ce qui est de la forme, l’état des lieux peut prendre « la forme d’un document unique ou de documents distincts ayant une présentation similaire », c’est-à-dire que les deux états des lieux (entrée et sortie) peuvent être établis sur un même document, ou sur deux documents distincts. Ce dernier cas est préférable en termes de lisibilité. Qu’il soit établi sur papier ou sous forme électronique, le document doit être « remis en main propre ou par voie dématérialisée à chacune des parties ou à leur mandataire au moment de la signature ». Plus d’informations ainsi que des modèles d’états des lieux sur cette page. Ce qui change dans l’objectif et la forme de l’état des lieux En réalité, ce décret entérine les pratiques déjà en cours depuis des années, sans en modifier quoi que ce soit, ou presque. Seule exception : la possibilité d’illustrer l’état des lieux avec des images, photographies ou vidéos, qui est une nouveauté, mais qui, dans les faits, était une méthode déjà répandue. Idem pour la forme du document : ce décret entérine des pratiques existantes. Ainsi, l’état des lieux dématérialisé n’a rien d’une nouveauté, étant utilisé notamment lorsque les parties ne peuvent pas être présentes sur les lieux et mandatent des intermédiaires qui se chargent de transmettre le document en question. Pas de révolution, donc, dans ce décret d’application de la loi Alur. Prise en compte de la vétusté En outre, l’état des lieux tel que défini par le nouveau décret doit prendre en compte la notion de vétusté du logement, à savoir : « l’état d’usure ou de détérioration résultant du temps ou de l’usage normal des matériaux et éléments d’équipement dont est constitué le logement ». Pour autant, le décret ne s’accompagne pas d’une grille-type permettant de déterminer ce qui, oui ou non, tient exactement de la vétusté du logement. Les particuliers sont encouragés à se référer aux grilles existantes pour les logements sociaux (voir la partie concernée dans cet article pour en savoir plus). Cette grille définit au minimum « une durée de vie théorique et des coefficients d’abattement forfaitaire annuels affectant le prix des réparations locatives auxquelles serait tenu le locataire » en ce qui concerne les principaux matériaux et équipements du bien loué. Ce qui manque toujours après ce décret Reste que le décret du 30 mars, s’il ne prend pas le risque de modifier en substance l’établissement de l’état des lieux, ne prend pas en compte non plus certaines des problématiques qui handicapent depuis longtemps les relations entre bailleurs et locataires, et sont sources de litiges. Par exemple, quid de la possibilité, pour le bailleur ou son mandataire, de compléter un état des lieux de sortie après-coup, afin de pouvoir constater sereinement des dégradations autrement difficiles à détecter ? Le fait de repérer des trous dans le mur ou de se rendre compte qu’un appareil électroménager est défectueux quelques jours après l’état des lieux de sortie ne peut plus engager la responsabilité du locataire, qui est ainsi encouragé à dissimuler un problème en croisant les doigts pour que celui-ci ne soit pas remarqué durant l’établissement du document. C’est donc un non-événement que ce décret d’application qui ne modifie qu’à la marge les règles existantes, tout en entérinant des pratiques qui n’ont rien de neuf.