Le dispositif Pinel rencontre un franc succès depuis sa mise en place en septembre 2014. Pour autant le Laboratoire de l’immobilier, service d’expertise en immobilier neuf de Théséis, partenaire de Vousfinancer, relève de nombreuses incohérences au niveau des quatre zones définies par le gouvernement. Pourquoi ce zonage est-il inadapté à la réalité du marché ? Pourquoi ne faut-il surtout pas investir dans la zone C ? Quelle alternative propose le Laboratoire de l’immobilier pour optimiser l’efficacité de ce dispositif de défiscalisation ? Décryptage. Le dispositif Pinel rencontre un franc succès depuis sa mise en place en 2015. 61 000 logements neufs ont, en effet, été vendus en 2016 dans le cadre d’un investissement Pinel. Pas de doute, le dispositif plaît aux Français et il est vertueux pour les finances publiques. Cependant, le Laboratoire de l’immobilier, le service d’expertise en immobilier neuf de Théséis, partenaire du courtier en prêt immobilier Vousfinancer, relève de nombreuses incohérences au niveau de la classification des communes. Zone interdite : la zone C Les 3000 communes éligibles au dispositif Pinel sont classées en quatre zones : A Bis, A, B1 et B2 (avec agrément préfectoral) par ordre de tension décroissant. Attention depuis le 1er janvier 2017, la zone C (le reste du territoire) est également ouverte au dispositif (avec agrément préfectoral). Le décret définissant le plafond de loyer à appliquer dans cette zone n’a pas encore été publié. Mais les spécialistes mettent d’ores et déjà en garde les investisseurs car il n’y a pas de tension sur le marché locatif dans cette zone. Il n’y a donc pas besoin de logements neufs. Selon les calculs de Franck Vignaud, directeur du Laboratoire immobilier, « le taux de vacance des logements est supérieur à 10% dans les 20 plus grosses communes de la zone C ». Les investisseurs ne doivent pas se laisser aveugler par la carotte fiscale et les prix de ventes attractifs pratiqués dans cette zone secondaire. Disparités des loyers dans une même zone Dans les 4 autres zones, les investisseurs ne doivent pas non plus se lancer les yeux fermés. Le Laboratoire de l’Immobilier a réalisé une étude sur les loyers moyens (hors charges) pratiqués sur les communes des quatre zones éligibles au dispositif Pinel. Cette enquête met en lumière la forte diversité des territoires et des loyers au sein d’une même zone et remet en question la classification actuellement en vigueur. Elle montre que les plafonds de loyer Pinel, supposés 20 % plus faibles que les loyers de marché (loyers dits « intermédiaires »), ne sont pas adaptés à toutes les communes d’une même zone. Pour rappel, la zone A bis regroupe Paris et 76 communes des Yvelines (78), Hauts-de-Seine (92), Seine-Saint-Denis (93), Val-de-Marne (94) et Val-d’Oise (95). Dans cette zone, les loyers moyens varient du simple au double, de 15,6 à 30,4 €/m2 pour un plafond commun de 16,63 €/m2. Ainsi, les 6ème, 7ème, 8ème ou 16ème arrondissements parisiens affichent un loyer de marché supérieur de bien plus de 20 % au plafond de la zone A bis. Pour preuve, le 6ème arrondissement affiche un loyer moyen de 30,4 euros, l’écart avec le loyer plafond est donc de 90 % ! Une ineptie totale. En même temps, la probabilité qu’un programme neuf sorte de terre dans ce secteur est quasi nulle, faute de foncier disponible et abordable. A l’opposé, des communes comme Aubervilliers, Montreuil, Nanterre, Saint-Denis ou Villejuif proposent des loyers quasi-identiques au plafond Pinel. L’objectif du gouvernement de produire des logements intermédiaires sur les zones tendues, offrant des opportunités aux locataires de pouvoir se loger à un prix 20% inférieur aux loyers de marché libre, n’est donc pas du tout rempli dans ces communes. Mais c’est un bon plan pour les investisseurs qui ne subissent pas de perte sur leur rendement locatif. Loyers plafonnés…et déconnectés de la réalité Mêmes disparités constatées en zone A regroupant 650 communes de l’Ile-de-France, Lille, Lyon-Villeurbanne, Montpellier, PACA et Corse. Les loyers mesurés oscillent entre 9,7 et 19,4 €/m2, pour un plafond commun de 12,50 €/m2. « Sur Wissous (91) par exemple, le loyer moyen de 19,4 €/m2 se situe bien au-delà des 20% au-dessus du plafond Pinel, ce qui justifierait un classement en zone A Bis », selon le Laboratoire de l’Immobilier. « A l’inverse, les loyers relevés sur des communes comme Marseille, Lyon, Lille, Montpellier ou Villeurbanne sont très proches du plafond Pinel : les loyers Pinel ne peuvent donc pas être qualifiés d’intermédiaires. Dans certains cas, comme le 15ème arrondissement de Marseille, Istres ou La Farlède, les loyers de marché sont même inférieurs au plafond Pinel, lequel ne joue plus son rôle modérateur ». « Entre ces extrêmes, des communes semblent correctement positionnées, c’est-à-dire où les loyers de marchés sont supérieurs d’environ 20% au plafond Pinel) : Aix-en- Provence, Alfortville, Argenteuil, Champigny-sur-Marne, Nice ou encore Vitry-sur-Seine ». Même constat en zone B1 : les loyers mesurés sont très dispersés et varient entre 8,0 et 17,9 €/m2, pour un plafond commun fixé à 10,07 €/m2. « Certaines communes d’Ile-de-France, comme Noisy-le-Roi avec un loyer moyen de 17,9 €/m2, mériteraient un transfert en zone A. Avec des loyers supérieurs d’environ 20% au plafond de la zone B1, un bon nombre de communes bénéficient d’un zonage cohérent : Annecy, Bordeaux, Caen, Grenoble, La Rochelle, Mérignac, Nantes, Rennes, Strasbourg, Toulouse... Ce qui n’est pas le cas de communes où les loyers sont conformes au plafond, voire inférieurs comme à Dijon, Limoges, Metz, Nancy, Perpignan, Roubaix, Saint-Nazaire, Tours... » « La zone B2 regroupe des petites et moyennes agglomérations ainsi que des territoires en périphérie de zone B1, rendus éligibles au dispositif Pinel après l’octroi d’un agrément préfectoral. Abstraction faite des secteurs où les marchés sont détendus, la fourchette des loyers mesurés varie de 6,3 à 13,9 €/m2, pour un plafond de 8,75 €/m2. Avec un loyer moyen de 13,8 €/m2, Chamonix n’a pas sa place en zone B2, mais plutôt en B1. Vient ensuite une cohorte de communes pour lesquelles la zone B2 semble pertinente : Angers, Brest, Calais, Colmar, Evreux, Dunkerque, Lorient, Poitiers, Soissons, Thionville ». Pas de locataire, pas d’avantage fiscal ! « Lorsque le loyer diffère de 20%, voire plus selon les secteurs, le rendement locatif annuel s’en trouve dégradé », prévient Franck Vignaud. A l’inverse, il existe des secteurs où le loyer plafond est supérieur aux loyers de marché. C’est notamment le cas en zone B2, dans des communes comme « Mâcon, Romans-sur-Isère ou Saint-Chamond et une multitude d’autres communes de moins de 20 000 habitants ». Une situation dangereuse pour les investisseurs néophytes. Car ces derniers pourraient être tentés d’exploiter cette faille en augmentant le loyer, en se référant au loyer plafond prévu par la loi. "Mais ce n’est pas du tout un bon calcul car en se plaçant au-dessus des tarifs du marché local, l’investisseur ne trouverait pas de candidat à la location", avertit Franck Vignaud. Et sans locataire, l'investisseur perdrait l’avantage fiscal. Attention donc à ne pas tomber dans ce piège. « Au final l’investisseur s’y retrouve seulement lorsque le loyer plafond est légèrement inférieur au loyer pratiqué sur le marché local », en conclut Franck Vignaud. Ce n’est pas le cas pour la majorité des villes éligibles au dispositif. Avant de vous lancer donc, faites bien vos calculs ! Plafonds parfois proches des loyers HLM ? Il est urgent de repenser la classification en se calquant au plus près de la réalité du terrain. Le prochain gouvernement devra se poser la question de la pertinence des plafonds de loyers ? « Ces plafonds sont-ils compatibles avec les impératifs de production de logements sur les territoires en situation de pénurie de logements ? Une décote de 20% en dessous des loyers de marché libre est-elle vraiment nécessaire ? Ne se rapproche-ton pas trop des loyers des logements sociaux », s’interroge Renaud Cormier, directeur général de Théséis, groupement de professionnels de la gestion de patrimoine. Proposition d’une nouvelle classification en 10 zones Pour Franck Vignaud, directeur du Laboratoire de l’immobilier, le zonage actuel est trop restreint : « quatre zones ne suffisent pas pour refléter l’amplitude et la diversité des loyers relevés. L’exemple le plus flagrant est la progressivité des loyers observée du centre d’une agglomération vers sa périphérie. « Les disparités sont nombreuses au sein d’une même agglomération », souligne Renaud Cormier. Et « les écarts de prix sont parfois même constatés dans un même quartier, dans une même rue… », ajoute Franck Vignaud. Si l’on prend l’exemple de Marseille, le 15ème arrondissement par exemple, situé dans les quartiers nord, ne peut en aucun cas être classé avec le 8ème arrondissement, un des quartiers cossus de la cité phocéenne. D’où la nécessité de multiplier les zones de classification. Le Laboratoire de l’immobilier propose de classer les communes ou arrondissements en dix zones. Cela peut paraître beaucoup à première vue mais compte tenu de la multiplicité des marchés locatifs, cette nouvelle classification permettrait sans conteste de gommer les incohérences relevées aujourd’hui. Nécessaire multiplication des zones « Il est certain que la notion de zone tendue doit rester une condition préalable à l’éligibilité d’une commune au dispositif Pinel. En l’état, l’ouverture de nouvelles zones (la zone C, Ndlr) au dispositif Pinel ne nous paraît pas justifiée, les secteurs les plus tendus étant déjà pourvus », rappelle Franck Vignaud. Seule une multiplication du nombre de zones, avec une progressivité des loyers permettrait de tenir compte de la diversité des marchés locatifs, d’éviter également les effets inflationnistes sur les loyers et sur les prix de vente, de limiter les erreurs ou imprécisions d’affectation au sein d’une zone, les écarts de plafonds avec les zones les plus proches (inférieure ou supérieure) étant peu importants ». Les loyers dans ces dix zones proposées s’étendent entre 8 et 19,99 euros le m², avec environ un écart d’un euro entre chaque zone. Ainsi le plafond loyer de chaque zone resterait de facto équitable. En tout cas, plus de grand écart possible ! Pinel incompatible avec Paris Le Laboratoire de l’immobilier a exclu des zones afin de recentrer et de renforcer le dispositif là où il est utile. Parti sur 12 zones, le Laboratoire de l’immobilier n’en retient finalement que 10. La zone 1 (actuelle zone A Bis) est incompatible avec ce dispositif de défiscalisation : les loyers dépassent 20 €/m2 (jusqu’à 30 €/m2). C’est le cas de Paris et de sa chic banlieue où les tarifs restent prohibitifs (Neuilly-sur-Seine, Boulogne-Billancourt, Charenton-le-Pont, Saint-Germain-en-Laye, Vincennes, Saint-Mandé, Issy-les-Moulineaux…) Dans ces secteurs extrêmement tendus où le foncier se fait très rare, le dispositif ne permet donc pas de produire plus de logements. Par ailleurs, les prix d’achat dépassent très largement le plafond imposé de 5500 €/m2 et les rendements locatifs sont trop faibles pour être attractifs. Pour info, l’avantage fiscal est calculé seulement sur 5500 euros le mètre carré. Vous pouvez acheter plus cher, mais vous ne bénéficierez pas d’avantage sur le différentiel. Selon les spécialistes, le dispositif Pinel constitue au mieux un effet d’aubaine pour les investisseurs qui auraient de toute façon acheté dans cette zone, avec ou sans incitation. D’où son inutilité dans cette zone privilégiée. La pertinence du dispositif en zone 12 (certaines communes comprises dans l’actuelle zone B2), est tout aussi discutable. En effet, les loyers passent sous le seuil des 8 €/m2, comme par exemple à Perros-Guirec, Romans-sur-Isère ou encore Saint-Chamond. Peut-on encore parler de zone tendue et la production de logements est-elle justifiée ? », s’interrogent les experts. Autant de questions et réflexions à prendre en compte. De bonnes pistes en tout cas à exploiter pour le futur gouvernement. En espérant que ce dernier prenne le temps de se pencher sur le sujet. Un sujet qui reste prioritaire. Alexandra Boquillon