Dispositif Pinel : vers un nouveau zonage…plus que nécessaire

Le zonage du dispositif Pinel devrait être révisé l’an prochain. Les parlementaires ont, en effet, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale un amendement requérant la réalisation d'un rapport, sur la révision du zonage avant le 1er septembre 2018.  Franck Vignaud, directeur du Laboratoire de l'Immobilier et spécialiste du marché neuf explique pourquoi cette révision du zonage est indispensable.

L’actuel zonage* truffé d’incohérences n’est pas satisfaisant. « Mais au moins le constat de manque de cohérence est fait » se satisfait Franck Vignaud, directeur du Laboratoire de l’Immobilier. Le zonage en fonction de la taille des agglomérations, tel qu’il est établi aujourd’hui n’est pas pertinent. « Et un découpage en deux ou trois zones ne permet pas de refléter l’amplitude et la diversité des marchés locatifs ». Selon Franck Vignaud, idéalement il faudrait 10 zonages pour permettre d’englober tous les différents niveaux de loyer. 10 zonages en effet serait un découpage assez fin pour limiter les incohérences, commune par commune.

Incohérences et autres aberrations

Noisy-le-Roi aujourd’hui classée en zone B1 affiche un loyer moyen de 18 euros le mètre carré, c’est-à-dire un loyer de marché proche de ceux pratiqués en zone A. Sans conteste cette commune mériterait de passer en zone A.

Le problème c’est qu’au sein d’une même commune, il existe des différences de loyers parfois très significatives. « Si l’on prend le cas de Bordeaux par exemple, les loyers pratiqués rive gauche ne sont pas les mêmes que ceux relevés place de la Bourse, où ils ont flambé ces derniers mois. Et les loyers en périphérie sont bien plus bas. Or, toute l’agglomération bordelaise est classée en zone B1 actuellement avec un plafond de loyer unique », relève Franck Vignaud.

Autre exemple avec Marseille : les loyers pratiqués dans le 15ème arrondissement situé dans les quartiers nord, sont bien moins élevés que ceux enregistrés dans le 8ème arrondissement, un des quartiers cossus de la cité phocéenne. « Il y a certes une volonté de la part du gouvernement et des parlementaires de corriger les erreurs actuelles. Mais pour autant je doute qu’ils fassent la distinction entre les différents quartiers d’une même ville », regrette l’expert. Il y a même des disparités au sein d’une résidence en fonction de l’étage, des caractéristiques et de l’exposition du logement.

Proposition de découpage en 10 zones

L’expert ne demande pas un découpage aussi fin mais une dizaine de zones permettrait déjà de gommer les incohérences relevées aujourd’hui et de limiter les dégâts. Les loyers dans ces dix zones proposées s’étendent entre 8 et 19,99 euros le m², avec environ un écart d’un euro entre chaque zone. Ainsi le plafond loyer de chaque zone resterait de facto équitable. En tout cas, il n’y aurait plus de grand écart possible.

Retrouvez les 10 zones proposées par Théséis et le Laboratoire de l’Immobilier.

Béziers : la mauvaise élève

De nombreuses communes situées en zone B2 enregistrent un taux élevé de vacance locative. La demande est inférieure à l’offre, donc il n’y a pas besoin de nouvelles constructions. Heureusement, les communes de cette zone sont soumises à l’obtention d’un agrément préfectoral pour pouvoir être éligibles au dispositif. Mais malgré ce filtre administratif, il semblerait que certaines communes ne présentant aucun signe de tension sur le marché locatif parviennent à obtenir un agrément de la part du Préfet de région. C’est le cas de Béziers, commune de la zone B2, « ville tout sauf tendue » selon Franck Vignaud, qui a obtenu son agrément, dès juin 2013. Or, « Construire du logement à Béziers n’a pas de sens car il y a déjà trop de logements. D’ailleurs 17% du parc locatif est actuellement vacant », déplore Franck Vignaud. « Comment l’agrément a pu être validé par le Préfet avec un taux de vacance aussi élevé et sans preuve de déficit de logements intermédiaires ? », s’interroge-t-il. « Pourtant, la députée Emmanuelle  Ménard (et épouse de Robert Ménard, l’actuel maire de Béziers, ndlr) plaide pour que la commune demeure éligible au dispositif… ».

900 agréments accordés en zone B2

 « En zone B2, un peu plus de 900 agréments ont été accordés au fil de l’eau. L’agrément préfectoral a été rendu obligatoire pour la zone B2 en juin 2013. Dans les deux mois qui ont suivi, 600 agréments ont été octroyés. Parmi les cas critiques et les mauvais élèves, c’est-à-dire les communes qui enregistrent un taux de vacance élevé sur le marché de la location et qui malgré le non besoin de logements neufs ont quand même obtenu leur agrément de la part du Préfet de région, on retrouve en tête : Béziers, Vichy, Epinal, Bourg-en-Bresse, Saint-Brieuc…

Pas de locataire, pas d’avantage fiscal

L’objectif initial du dispositif Pinel consistant à produire des logements intermédiaires en zone tendue est ainsi dévié. Dans les zones non tendues, les particuliers courent un danger à signer un Pinel, on les envoie au casse-pipe », alerte Franck Vignaud. Pour rappel, si vous n’avez pas de locataire, vous perdez l’avantage fiscal ! Ce n’est pas aux particuliers de jouer ce rôle-là. Un député a proposé pendant la séance du 17 novembre à l’Assemblée nationale que la Société nationale immobilière (SNI), opérateur social mais qui a également vocation à construire du logement intermédiaire, endosse ce rôle. On essaie d’utiliser à tort un dispositif à des endroits pas du tout pertinents », déplore l’expert du marché du neuf. Certes il y a une pression locale très forte et les députés doivent garantir localement des enjeux économiques forts, ils défendent leurs circonscriptions mais ces enjeux sont différents des enjeux du dispositif Pinel », met en garde Franck Vignaud.

Indispensable remise à plat du zonage

Bref il est impératif que le prochain zonage rebatte les cartes : après la sortie de la zone B2 et de la zone C, une refonte complète devrait être opérée.

Si la soumission des communes situées en zone B1 à un agrément est adoptée en deuxième lecture, « elle va être compliquée à gérer et temporaire car au 31 août 2018 au plus tard, un nouveau zonage verra le jour », souligne Franck Vignaud.

« Remettre à plat le zonage est la meilleure chose à faire pour assainir le dispositif Pinel », insiste Franck Vignaud. Mais j’espère que le nouveau zonage ne sera pas contourné par une demande d’agrément obligatoire", conclut-il.

Alexandra Boquillon

 

*Actuel zonage :

Selon le Ministère de la cohésion des territoires, la zone A bis comprend Paris et 76 communes des Yvelines (78), Hauts-de-Seine (92), Seine-Saint-Denis (93), Val-de-Marne (94) et Val-d’Oise (95). Dans cette zone, les loyers moyens varient du simple au double, de 15,6 à 30,4 €/m2 pour un plafond commun de 16,83 €/m2.

La zone A englobe l’agglomération de Paris (dont la zone A bis) c’est-à-dire 650 communes de l’Ile-de-France, Lille, Lyon-Villeurbanne, Montpellier, PACA, Corse, et certaines agglomérations ou communes où les loyers et les prix des logements sont très élevés. Les loyers mesurés oscillent entre 9,7 et 19,4 €/m2, pour un plafond commun de 12,50 €/m2.

La zone B1 comprend certaines grandes agglomérations ou communes dont les loyers et prix des logements sont élevés, une partie de la grande couronne parisienne non située en zone A bis ou A, quelques villes chères, les départements d'Outre-Mer. En zone B1, les loyers mesurés sont très dispersés et varient entre 8,0 et 17,9 €/m2, pour un plafond commun fixé à 10,07 €/m2.

La zone B2 regroupe des petites et moyennes agglomérations, des communes de grande couronne parisienne non situées en zone A bis, A et B1, certaines communes où les loyers et les prix des logements sont assez élevés, communes de Corse non situées en zones A ou B1.


Et enfin la zone C correspond au reste du territoire. Abstraction faite des secteurs où les marchés sont détendus, la fourchette des loyers mesurés varie de 6,3 à 13,9 €/m2, pour un plafond unique de 8,75 €/m2.

 

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