Si les taux restent à des niveaux très attractifs, les conditions d’emprunt de ceux qui ne sont pas en CDI n’évoluent pas. Rares sont les emprunteurs qui arrivent à décrocher un crédit immobilier sans ce fameux sésame : chez Vousfinancer, réseau de 185 agences de courtage en crédit, au 1 er semestre 2018, 87 % des emprunteurs sont en CDI contre seulement 1,7 % en CDD. Lorsqu’il y a deux emprunteurs, la proportion de CDD monte à 5 %, car ils empruntent avec une personne en CDI la plupart du temps… 1,7 % des emprunteurs sont en CDD contre 87 % en CDI Seuls 0,6 % des prêts sont accordés à deux personnes en CDD. Les autoentrepreneurs ou TNS ont aussi parfois plus de mal qu’on le croit à emprunter… Tour d’horizon des ces emprunteurs atypiques pour qui obtenir un crédit est parfois un parcours du combattant. Seulement 1,7 % des emprunteurs en CDD au 1er semestre 2018 Alors que le nombre d’embauches en CDD ne cesse d’augmenter, la part des emprunteurs en CDD, elle, ne progresse que très lentement… Selon les derniers chiffres de la DARES (Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques) publiés le 21 juin, la part des embauches en CDD a fortement augmenté ces 25 dernières années, passant de 76 % en 1993 à 87 % en 2017 avec deux freins majeurs pour les banques : 83% des contrats des CDD sont signés sur des durées inférieures à un mois (contre 57 % en 1998), et seuls 20 % des CDD deviennent des CDI au bout d’un an contre 50 % en 1982 (source : France Stratégie). Mais si la grande majorité des nouvelles embauches se fait en CDD, 88 % des employés en France sont en réalité en CDI et 12 % en CDD (si l'on exclut les intérimaires), une proportion que l’on ne retrouve pas chez les emprunteurs : en 2018, seuls 1,7 % des aspirants à la propriété sont en CDD, contre 87 % en CDI, lorsqu’ils empruntent seuls… Parmi les autres catégories minoritaires, mais mieux représentées, on trouve également les TNS (travailleurs non-salariés) (6%), ou les retraités (2 %). « Par définition un CDD est un contrat de travail qui prendra fin au bout de quelques mois – voire même quelques jours - alors que la durée initiale d’un crédit est de 21 ans en moyenne avec une durée de remboursement effective de 8 ans… Dans ces conditions, il est difficile pour les banques de prêter à long terme en ayant une visibilité à court terme sur la pérennité des revenus qui permettront à l’emprunteur de rembourser sa mensualité » explique Jérôme Robin, directeur général de Vousfinancer. Autre argument : selon France stratégie, comparativement aux autres salariés, les salariés en CDI présentent un risque de chômage très faible. Leur probabilité de perdre leur emploi l’année suivante est de l’ordre de 2 %, contre 13 % pour un titulaire de CDD, et 22 % en intérim. Lorsqu’il y a deux emprunteurs, la part des CDD augmente légèrement chez les co-emprunteurs qui bénéficient du fait qu’ils empruntent avec une personne en CDI. Les co-emprunteurs sont dans près de 5 % des cas en CDD, 2 % en intérim, 9,5 % TNS mais 75 % sont tout de même en CDI. Les prêts accordés à deux CDD sont quasiment une exception, puisque 0,6 % des emprunteurs seulement sont concernés ! Des chiffres qui n’évoluent pratiquement pas… « Ces 3 dernières années, la part des emprunteurs en CDD n’a évolué que très lentement…cela est lié bien sûr à la politique de risque des banques mais aussi au fait que la demande de crédit a été très forte, laissant aux banques la possibilité de choisir les profils les moins risqués. Conséquence de l’accès très limité des CDD au crédit : malgré l’allongement des durées de prêts, l’âge moyen du premier achat immobilier ne fait qu’augmenter. Il est actuellement de 33 ans, contre 32 ans en 2016…alors que l’entrée sur le marché du travail intervient à 22 ans et demi en moyenne ! On voit donc bien qu’aujourd’hui la situation du marché de l’emploi est un frein supplémentaire à l’accès à la propriété des jeunes actifs » analyse Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer. Coté profils d’emprunteurs, ils ne sont finalement pas éloignés des CDI. Le montant moyen emprunté est de 214 000 € avec des revenus moyens de 2 720 € nets/mois mais tout de même de forts écarts montrant la diversité des CDD (certains gagnent 1400 € nets, d’autres 3900 €…) Des difficultés pour emprunter en CDD Bien que plusieurs banques soient totalement fermées aux financements des CDD, certaines acceptent d’étudier les dossiers au cas par cas, en fonction du risque, du secteur d’activité, de l’activité des comptes mais également de l’ancienneté dans la banque. Dans l’hôtellerie, la restauration ou la santé par exemple, le CDD est bien souvent la norme…« S’il s’agit d’une personne régulièrement en CDD notamment en lien avec le secteur d’activité dans lequel elle travaille, les revenus du CDD peuvent être pris en compte car considérés comme récurrents. Mieux, si l’emprunteur est en CDD depuis plus de 3 ans et que les comptes sont bien tenus, le dossier pourra être accepté. En revanche, un jeune de 25 ans qui vient de décrocher son 1 er emploi en CDD devra patienter avant de pouvoir souscrire un crédit. Avec plus d’ancienneté, il pourra au mieux tenter d’obtenir un crédit dans sa propre banque – ou dans celle de ses parents – s’il a démontré sa capacité à être un bon client » conseille Sandrine Allonier. Par ailleurs, certains CDD sont acceptés plus facilement. C’est le cas des contrats courts de la fonction publique (d’Etat, territoriale, hospitalière y compris les vacataires et contractuels), perçus comme des CDI pour les établissements bancaires. Ils peuvent même bénéficier d’offres spécifiques en termes de garantie ou encore de taux… Des exemples d’emprunteurs en CDD financés récemment ? Un jeune brancardier de 29 ans employé depuis 4 ans en CDD dans un hôpital avec 1320 € de salaire net mensuel a obtenu un prêt sur 25 ans à 1,78 % pour son premier achat immobilier. Un conseiller clientèle chez un opérateur téléphonique, 35 ans, salarié du privé, en CDD depuis 1 an avec un salaire de 1400 €/net et 30 000 € d’apport (aide familiale) a pu obtenir (avec difficulté) un prêt de 100 000 € sur 25 ans à 1,65 %. Un couple d’artistes danseur-jongleur/chanteuse, tous les deux en CDD, mais avec le statut d’intermittents du spectacle depuis 2010 et 2012 et des revenus de 4000 € nets/mois à deux, 2000 € d’apport, ont obtenu un financement de 185 000 € sur 25 ans à 1,85 %. Mais les emplois non-salariés ne sont pas non plus favorisés… Si les nouvelles formes d’emplois « non-salariés » se multiplient (241 800 statuts de micro-entrepreneurs ont été créés en 2017 d’après l’INSEE), il n’est pas forcément aisé non plus pour ces profils d’obtenir un crédit immobilier… « Concernant le statut d’autoentrepreneur de plus en plus répandu, la difficulté est la prise en compte des revenus…ce statut peut être un frein à deux niveaux : les banques demandent 3 ans d’ancienneté d’activité et ne prennent en compte que le net imposable c’est-à-dire les revenus après l’abattement de 34 à 50 % auquel les autoentrepreneurs ont droit, ce qui limite fortement la capacité d’emprunt » explique Sandrine Allonier. Les TNS (travailleurs non salariés, chefs d’entreprise) ont également des difficultés, notamment lorsqu’ils démarrent…Car les banques demandent également 3 ans de bilan. « Les créateurs d’entreprise doivent souvent faire un choix entre lancer leur activité ou acheter un bien immobilier et ce, même si leurs revenus sont élevés, les banques demandent 3 bilans…En outre elles feront une moyenne des trois années d’exercice, donc si la première année a été plus difficile, les revenus moyens pris en compte seront diminués… » complète Sandrine Allonier. Et passée la période de 3 ans, les banques étudient aussi la pérennité des revenus et font une analyse classique sur le secteur d'activité, le secteur géographique, l’ancienneté, le profil du professionnel (expérience, ancienneté dans l'activité, etc...), le business plan, le prévisionnel d'activité argumenté, etc.... Avec un contrat atypique, mieux vaut emprunter en couple… avec un CDI Si on veut emprunter lorsqu’on est en CDD, autoentrepreneur, intérimaire, créateur d’entreprise ou même inactif, mieux vaut le faire à deux, avec un conjoint en CDI, afin de rassurer la banque sur la possibilité de pouvoir rembourser des mensualités durant plusieurs années. Ainsi, en 2017, comme en 2018, en volumes, Vousfinancer constate qu’il y a 2 fois plus de co-emprunteurs en CDD que d’emprunteurs principaux…Dans ce cas-là deux options : - Soit la banque prend en compte les revenus du CDD dans le calcul du taux d’endettement et de la capacité d’emprunt . Cela peut être le cas si ce n’est pas le premier CDD de l’emprunteur et qu’il est sur une durée longue, ou que l’emprunteur a pu obtenir une lettre d’embauche en CDI de la part de son employeur… - Soit la banque ne les prend pas en compte et seuls les revenus du CDI seront comptabilisés dans le calcul du taux d’endettement et de la mensualité. Cela réduit par conséquent la capacité d’emprunt ou implique d’accroitre la durée du crédit…Mais si plus tard le CDD débouche sur un CDI la mensualité pourra être augmentée via la modularité du prêt et la durée du prêt réduite. Publié par Alexandra Boquillon