Parmi les derniers rangs du classement européen, la France compte 58 % de propriétaires occupants (hors investissement locatif), avec en outre de fortes disparités territoriales. Ce taux atteint 72 % en Vendée mais seulement 47 % en Ile-de-France et 33 % à Paris, ville ayant l’une des plus fortes proportions de locataires (62%, selon les chiffres de l’Insee 2015), avec Lille notamment…Ainsi à Paris il y a plus de locataires que de propriétaires occupants et donc plus de propriétaires bailleurs car « derrière chaque locataire il faut bien un propriétaire bailleur », rappelle Pierre Hautus, directeur général de l’UNPI. Mais le retour de l’encadrement des loyers à Paris va-t-il freiner les projets d’investissement locatif ? Par ailleurs comment expliquer ces différences de taux de propriétaire occupants à l’échelle du territoire français ? Vousfinancer, réseau de 200 agences de courtage en crédit immobilier, et l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) se sont associés avec le cabinet CM Analytics pour tenter de comprendre les déterminants du taux de propriétaires occupants, qui ne progresse plus malgré un contexte de taux historiquement bas…Analyse. Encadrement des loyers : une mesure électoraliste avant tout « Une machine à détruire l’offre locative ! », s’insurge Christophe Demerson, président de l’UNPI qui voit dans l’encadrement des loyers « une mesure électoraliste » avant tout. En effet, pour le président de l’UNPI, le retour du dispositif à Paris moins d’un an avant les prochaines municipales est bien calculé. Alors qu’une érosion de l’offre locative est observée dans les grandes métropoles selon les données Insee-Clameur, une politique prolocataire se maintient et se renforce. Or "derrière chaque locataire il faut bien un propriétaire bailleur", rappelle Pierre Hautus, directeur général de l’UNPI. Les pouvoirs publics devraient les soutenir davantage. A Paris les prix sont si élevés qu’ils viennent amputer considérablement la rentabilité des investissements. L’encadrement des loyers va diminuer encore ces rentabilités qui ne dépassent pas 1% net. Peu attractif pour les investisseurs qui font de moins en moins de travaux, faute de moyens ou pire qui se détournent de plus en plus de la location classique au profit de la location saisonnière via des plateformes du type AirBnB ou Booking, déplorent les professionnels. Et au grand dam de la Mairie de Paris qui estime avoir perdu ces dernières années 50 000 logements dédiés à la location saisonnière notamment. Dans les grandes villes, le problème est globalement le même partout. La part des propriétaires occupants est faible, d’où l’importance d’avoir une politique incitative à l’investissement des bailleurs privés. Ils contribuent à l’élargissement de l’offre locative qui doit être très importante dans les marchés en tension » alerte Christophe Demerson, président de l’UNPI. De fortes disparités territoriales à l’échelle des régions, des départements mais aussi des communes ! Le chiffre est bien connu : la France compte en moyenne 58 % de propriétaires occupants (hors propriétaires bailleurs), l’un des plus faibles taux en Europe. Et si, comme chez tous nos voisins européens, la part des propriétaires occupants a nettement progressé au cours des 50 dernières années (elle n’était que de 43 % en 1968), depuis 10 ans, elle stagne en France malgré la très forte baisse des taux de crédit et les politiques publiques. « Dans un contexte de fortes baisses des taux, divisés par 5 depuis 2008, et en tant que facilitateur de l’accès au crédit, il nous importe de savoir quels sont les freins à la propriété afin de mieux accompagner nos clients au quotidien » explique Jérôme Robin, directeur général de Vousfinancer. En outre, la moyenne nationale dissimule de forts écarts territoriaux : la Bretagne est la région qui compte le plus de propriétaires, avec un taux de 66 %. Suivent les Pays de la Loire (64 %) et la Bourgogne-Franche-Comté (64 %). Au pied du classement se trouvent la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (54 %) et l’Ile-de-France, avec seulement 47 % de propriétaires occupants (hors investissement locatif). Le taux de propriétaires bailleurs est plus élevé en zone tendue (métropoles) Sur les 5 départements avec le moins de propriétaires occupants, on compte Paris (33 %) et ses départements voisins : la Seine-Saint-Denis (40 %), les Hauts-de-Seine (43 %) et le Val-de-Marne (45 %). Les autres départements franciliens affichent des taux proches de la moyenne nationale. Et si pour les 35 000 communes françaises, le taux médian est de 80 %, les différences sont très élevées : 95 % d’entre elles affichent un taux supérieur à la moyenne nationale. « On peut expliquer ce décalage entre la moyenne et la médiane par le poids très important des métropoles. Dans les grandes villes où une fraction élevée de la population réside, le taux de propriétaires occupants est faible ! A l’inverse le taux de locataires et donc de propriétaires bailleurs est plus élevé, afin de répondre à une demande locative forte dans les métropoles. Le taux de propriétaires occupants explose en zone non tendue Les communes avec plus de 10 000 ménages, qui représentent seulement 1 % des communes mais 39 % des ménages français, ont un taux moyen de propriétaires de 41 %. A l’inverse, les communes les plus petites, accueillant moins de 1 000 ménages mais qui couvrent 87 % des communes et 24 % des ménages, affichent un taux moyen de 78 % » explique Christophe Marques, directeur de CM Analytics, cabinet d’étude économique. Ainsi, moins la tension immobilière est forte, plus nombreux sont les propriétaires occupants. En zone C, où il n’y a pas de tension, le taux est de 72 %. C’est 19 points de plus qu’en zone B (53 %) et 26 de plus qu’en zone A (46 %). Sans surprise, l 'offre locative est plus importante en zone tendue. En effet, les investisseurs ne prennent pas de risque à investir en zone détendue. Les déterminants du taux de propriétaires occupants vont au-delà des prix de l’immobilier ! Les prix immobiliers ont évidemment un impact sur le taux de propriétaires occupants, avec un seuil au-delà de 3000 €/m2 : au-delà de ce prix médian pour les appartements, il n’y a quasiment plus de départements français ayant un taux de propriétaires occupants supérieurs à 60 %, alors que lorsque les prix sont inférieurs, les trois-quarts des départements affichent un taux de plus de 60 %. Mais les prix n’expliquent pas tout ! En analysant les 50 premières villes françaises on se rend compte que dans toutes ces villes, sans exception, moins de la moitié des ménages sont propriétaires de leur résidence principale, alors que les prix y varient pourtant du simple au quintuple… Dans les plus grandes villes de France, nous n’observons donc aucune relation entre les prix immobiliers et la part des propriétaires. Ainsi, Paris affiche un taux comparable à ceux d’une vingtaine de grandes villes dont les prix sont deux à trois fois inférieurs aux siens (Bordeaux, Montpellier, Strasbourg…). « Nous plaidons pour le maintien du PTZ « neuf » au moins en zone B2 » En ce qui concerne le PTZ, en 2020, les zones B2 et C, dites « non tendues », après avoir vu les montants de PTZ attribués abaissés de 40 à 20 % du montant de l’acquisition, ne seront plus éligibles au PTZ « neuf ». Supprimer le PTZ dans le neuf en zone B2 et C ne va pas aider à augmenter la proportion de propriétaires occupants et va défavoriser les ménages aux revenus modérés. « C’est un enjeu pour les futurs propriétaires, mais aussi et bien sûr pour les constructeurs de maisons individuelles d’ores et déjà impactés par le recentrage du dispositif … » analyse Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer. « Pour soutenir l’accession à la propriété des ménages aux revenus modérés, nous plaidons pour le maintien du PTZ « neuf » au moins en zone B2 qui accueille 20 % de la population française et compte plusieurs grandes villes, dont Saint-Etienne, Angers et Brest », ajoute Sandrine Allonier. L’encadrement des loyers décourage gravement les propriétaires bailleurs L’encadrement des loyers depuis le 1er juillet 2019, s’applique de nouveau à Paris et la demande a été formulée à Lille. Sans surprise, ces deux villes affichent une proportion de locataires parmi les plus élevée de France : 62 % et 70 % respectivement, un taux de propriétaires occupants parmi les plus faibles (33 % et 28 %, le delta étant les « hébergés à titre gratuit »). Mieux appréhender les réalités locales est essentiel pour parvenir à de meilleures politiques publiques en matière de logement. « La pertinence économique de l’encadrement des loyers est contestable : la capacité de l'encadrement des loyers à agir efficacement sur le montant des loyers est loin d'être démontrée. Cette mesure décourage gravement les propriétaires bailleurs. Aussi, à moins d’un an des prochaines municipales, le retour de ce dispositif apparaît éminemment électoraliste, alors que les loyers progressent moins que l’inflation, contrairement aux taxes foncières et à la CSG (de 15,5% à 17,2% dernièrement) » explique Pierre Hautus, directeur général de l’UNPI. D’autres villes d’ailleurs, parmi les 28 agglomérations tendues définies dans la loi ALUR avec une faible proportion de propriétaires - donc majorité de locataires - et des loyers élevés pourraient se laisser tenter. Il pourrait s’agir de Toulouse (d’ores et déjà en réflexion), Lyon, Montpellier, Bordeaux ou encore Strasbourg. A suivre… Alexandra Boquillon