Le 29 juillet dernier a été publié au Journal Officiel un décret concernant la reconduction de l’encadrement des loyers à la relocation. A ne pas confondre avec l’encadrement des loyers en vigueur seulement à Paris intra-muros et à Lille. Quelles villes sont concernées par cet autre encadrement des loyers dit « à la relocation » ? Sous quelles conditions cet encadrement s’applique-t-il ? Zoom sur le décret publié en plein cœur de l’été et analyse du marché locatif privé. Depuis le 1er août dernier, l’encadrement des loyers à la relocation est reconduit en zones tendues, jusqu’au 31 juillet 2018. Ce dispositif d'encadrement s'applique à toutes les relocations vides et meublées à usage de résidence principale du locataire, depuis déjà 5 ans. En effet, Cécile Duflot, à l’époque ministre du Logement l’avait mis en place à l'été 2012, après son entrée au gouvernement. Que dit cette loi ? Lorsqu'un logement fait l'objet d'une nouvelle location (relocation), le loyer du nouveau contrat de location ne peut excéder le dernier loyer appliqué au précédent locataire (révisé uniquement en fonction de la variation de l'indice de référence des loyers, l’IRL). Quelques rares exceptions permettent de réévaluer librement le loyer à la relocation. Par exemple, si le propriétaire a réalisé depuis moins de six mois des travaux d'amélioration d'un montant au moins égal à la dernière année de loyer. Premières locations non concernées Les logements faisant l'objet d'une première location sont donc exclus du champ d'application. Logique puisqu’il n’y a pas de comparaison possible avec le précédent loyer. Une bonne nouvelle donc pour les investisseurs qui mettent l’appartement qu’ils viennent d’acquérir sur le marché de la location. Ils peuvent ainsi appliquer un loyer libre pour leur premier locataire. En sachant de toute façon que s’ils proposent un loyer trop élevé, les candidats à la location ne se bousculeront pas au portillon. Encadrement ou pas, autant respecter les tarifs du marché. Les logements inoccupés par un locataire depuis plus de dix-huit mois sont également exclus du champ d'application du dispositif. Pour information, les locaux d'activité, les places de parking, les box, les caves et les terrains mis en location ne sont pas soumis à l’encadrement des loyers à la relocation. De même, les logements loués en courte durée (sur les plateformes collaboratives du type AirBnB) ne sont pas soumis à l’encadrement des loyers puisqu’il ne s’agit pas de la résidence principale du locataire. 28 agglomérations concernées Les villes concernées par l'encadrement des loyers à la relocation sont situées dans les zones dites « tendues », c’est-à-dire « des zones d'urbanisation continue de plus de 50.000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel ». Il s'agit concrètement de plus de 1000 communes réparties dans 28 agglomérations de métropole, soit au total 50 % de la population française. Les 28 agglomérations concernées où il existe un déséquilibre important entre l'offre et la demande sont les suivantes : Ajaccio, Annecy, Arles, Bastia, Bayonne, Beauvais, Bordeaux, Draguignan, Fréjus, Genève-Annemasse, Grenoble, La Rochelle, La Teste-de-Buch-Arcachon, Lille, Lyon, Marseille - Aix-en-Provence, Meaux, Menton-Monaco, Montpellier, Nantes, Nice, Paris, Saint-Nazaire, Sète, Strasbourg, Thonon-les-Bains, Toulon, Toulouse. Ce sont les agglomérations définies par la loi Alur de Cécile Duflot, du 24 mars 2014. Double peine à Paris et à Lille Pour rappel, contrairement à l’encadrement des loyers à la relocation, le dispositif d'encadrement des loyers entré en vigueur à Paris intra-muros le 1er août 2015 et à Lille le 1er février 2017, concerne la location vide ou meublée à titre de résidence principale dans le parc privé et s'applique lui, lors d'un renouvellement mais également lors de la signature d'un nouveau bail. Le loyer ne peut dépasser de plus de 20 % le loyer de référence fixé par arrêté préfectoral. Ce loyer de référence est calculé par catégorie de logement (une pièce, deux pièces, trois pièces, quatre pièces et plus), en fonction de l'époque de construction (avant 1946, 1946-1970, 1971-1990, après 1990), et par zone (14 au total à Paris). Sauf si l'appartement présente des caractéristiques de localisation et de confort, le bailleur peut alors ajouter un complément de loyer, à condition encore que les appartements de même catégorie, situés dans le même secteur soient dépourvus de ces caractéristiques, comme une grande hauteur sous plafond par exemple. A noter qu’à Paris intra-muros ainsi qu’à Lille, l’encadrement des loyers à la relocation s’applique parallèlement à l’obligation de ne pas dépasser un loyer de référence plafonné, fixé par arrêté préfectoral, confirme l’Observatoire des Loyers de l’Agglomération parisienne (Olap), contacté par la rédaction. Quelle différence entre l’encadrement des loyers et l’encadrement des loyers à la relocation ? L’encadrement des loyers entré en vigueur à Paris le 1er août 2015 et à Lille le 1er février 2017 a pour vocation de lutter contre les loyers surévalués, voire « exorbitants ». Et les loyers de référence sont révisés chaque année au 1er août. "Ainsi au 1ER août 2017, plusieurs loyers de référence ont par exemple augmenté entre 1 et 2%", rapporte l’Olap. Par contre l’encadrement des loyers à la relocation concerne 28 agglomérations, soit plus de 1000 communes et ce dispositif est encore plus contraignant dans la mesure où le propriétaire ne peut pas augmenter le loyer d’un locataire à l’autre (sauf rares exceptions). Le bailleur doit se référer au dernier indice de référence des loyers (IRL), produit par l’INSEE (un tous les trimestres). Pour info, « le dernier IRL s’établit à 0,75%. C’est-à-dire que si le dernier loyer était fixé à 1000 euros, le prochain loyer ne pourra pas dépasser 1007, 50 euros). L’avant dernier IRL s’établissait à 0,51%. Mais en général l’IRL est compris entre 0,01 et 0,20% environ, d’où de faibles augmentations possibles », souligne l’Olap. Les loyers sont ainsi contenus, voire bloqués d’année en année. « Ce deuxième dispositif d’encadrement a pour but d’éviter une évolution trop forte des loyers », explique l’Olap. Le marché locatif continue à s’enfoncer Selon la dernière étude de l’Observatoire Clameur publiée le 5 septembre dernier, les loyers reculent de 0,6 % en août comparativement à janvier 2017. Pire, entre janvier et août 2017, les loyers à la relocation – entre deux locataires – ont reculé de 0,8 % sur un an. Depuis 2011, ils ont baissé de 0,1 % en moyenne chaque année, contre une hausse d’environ 5 % par an auparavant. Même si les raisons profondes de cette mauvaise santé du marché locatif sont surtout à chercher du côté de la conjoncture économique, l’encadrement des loyers à la relocation, en vigueur depuis 5 ans, tire de facto les loyers vers le bas. Baisse de la demande locative Selon Michel Mouillart, professeur d’économie à l’université Paris Ouest et auteur de l’étude Clameur*, « la clientèle familiale est directement touchée par l’atonie du marché de l’emploi, la baisse du pouvoir d’achat et la dégradation de la solvabilité des aides au logement ». Face à la demande locative qui fléchit, les bailleurs sont contraints, encadrement ou pas, de fixer des loyers plus raisonnables. Cette baisse de la demande locative s’explique également par les taux d’intérêt des crédits immobiliers, qui ont commencé à remonter légèrement depuis décembre dernier. « Les ménages (les plus modestes, ndlr) restent dans le parc locatif car ils n’ont pas les moyens de partir », explique Michel Mouillart. Moins de recettes locatives = moins de travaux Ceux qui pensent que cette baisse des loyers est une bonne nouvelle pour les locataires se trompent ! Car l’encadrement des loyers à la relocation limite les recettes locatives des propriétaires-bailleurs. Ce qui engendre une conséquence directe sur l’état du parc locatif : les bailleurs sont en effet moins enclins à réaliser des travaux d’amélioration, de rénovation ou même simplement de rafraîchissement, faute de moyens et donc « le parc locatif se dégrade », observe d’année en année Michel Mouillart. « Encadrons les taxes au lieu des loyers » «La baisse récente des loyers (étude Observatoire Clameur du 5 septembre) illustre bien le fait que le marché sait s’adapter naturellement, aussi bien au pouvoir d’achat des locataires, qu’aux difficultés économiques plus générales. Ce qu’il ne faut pas, à la suite de cette annonce, c’est stigmatiser les bailleurs privés qui ne sont pas à l’origine de l’inflation locative. Ils sont dans une logique d’investissement sur le long terme, sans rechercher systématiquement une performance financière immédiate", a réagi Bernard Cadeau, Président du réseau Orpi, suite à l'appel d'Emmanuel Macron, enjoignant tous les propriétaires-bailleurs à baisser leurs loyers de 5 euros. La vraie solution serait de construire et rénover massivement des locaux pour les mettre sur le marché et qu’il y ait moins de pression sur les prix. », propose Bernard Cadeau. « Au lieu d’encadrer les loyers, encadrons les taxes » qui pèsent sur les propriétaires-bailleurs, suggère pour sa part François Davy, Président du groupe Foncia. « Derrière chaque locataire, il faut un propriétaire bailleur » Au lieu de pénaliser les investisseurs et les propriétaires il faudrait en effet les encourager dans leur démarche et les soutenir, s’accordent à dire l’ensemble de la profession. Le gouvernement ne doit pas perdre de vue que : « derrière chaque locataire, il faut un propriétaire bailleur », comme le martèle depuis des années, Jean-François Buet, Président de la FNAIM. D’ailleurs, l’injonction mardi dernier du Président de la République, qui a appelé tous les bailleurs à baisser leurs loyers de 5 euros, a déclenché colère et incompréhension. Alexandra Boquillon *L’Observatoire Clameur couvre 25% du marché locatif privé