Il fallait s’y attendre. Après Lille, le couperet est également tombé dans la capitale. Le Tribunal administratif de Paris a, en effet, retoqué mardi 28 novembre l’encadrement des loyers en vigueur depuis le 1er août 2015. Cette décision fait suite à celle prise le 17 octobre dernier par le Tribunal administratif de Lille d’annuler l’encadrement des loyers qui était applicable dans la capitale des Flandres depuis le 1er février 2017. Même raison invoquée : le périmètre du dispositif ne peut se limiter à une seule commune. En effet, selon la loi Alur, il aurait dû s'appliquer à l'ensemble de la zone tendue, regroupant toutes les communes des deux agglomérations. Les tribunaux administratifs de Lille et de Paris avaient été saisis par la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM), l'Union nationale de la propriété immobilière (UNPI), l’Union des syndicats de l’immobilier (UNIS) etc, qui avaient déposé un recours en 2015. Si ces récentes décisions prises à quelques semaines d’intervalle génèrent l’incompréhension dans le fief des maires socialistes Martine Aubry et Anne Hidalgo, elles suscitent en revanche une grande satisfaction chez l’ensemble des professionnels de l’immobilier. Satisfaction des professionnels Pour Laurent Vimont, Président de Century 21, « la décision du Tribunal administratif de Paris est bonne pour la fluidité du marché. Depuis la mise en place de cette mesure les investisseurs avaient fortement reculé dans la capitale. Ils sont passés de 30 à 22% entre 2012 et 2016, seul département à connaître ce repli ». La décision bien que prévisible suscite chez la FNAIM un sentiment de victoire. Pourtant, selon Jean-François Buet, Président de la FNAIM, la vigilance est de rigueur car « le gouvernement se hâte déjà de faire appel de l’annulation de l’encadrement des loyers à Paris » Il est alors important de rappeler que l’encadrement des loyers est une mauvaise réponse à un véritable problème qui est celui de trouver un logement en région parisienne. « La contrainte administrative ne permettra pas d’augmenter l’offre des logements », ajoute Jean-François Buet. « La seule solution au problème de la cherté des loyers réside dans la construction et la rénovation massive de logements », martèle Bernard Cadeau, président du réseau Orpi. Le vrai problème vient du manque de logements proposés à la location. Pour pallier cette pénurie, il faut encourager les propriétaires à investir dans l’immobilier, car le mal vient du manque de biens disponibles à la location qui entraine fatalement une hausse des loyers. Si les investisseurs se voient contraints de louer à perte, ils se tourneront vers d’autres placements, aggravant encore plus la situation », surenchérit Eric Allouche, directeur exécutif du réseau ERA Immobilier. « Sur le terrain, l’application de l’encadrement des loyers était très compliquée. En effet, comment justifier que deux biens, l’un situé en rez-de-chaussée et l’autre en étage élevé avec une terrasse puissent avoir le même loyer. « La loi était trop vague, sur le caractère exceptionnel permettant une majoration du loyer. Quelle majoration peut-on demander pour une terrasse, une cuisine équipée tout en respectant la loi ? Rien ne le précise. Avec cette annulation, les démarches seront plus simples pour les propriétaires. Le travail de terrain devrait s’en ressentir », se réjouit Sybille Goirand Directrice de BARNES Location. Pour le groupement de professionnels Plurience, qui réunit Advenis, Billon immobilier, Citya-Belvia Immobilier, Crédit agricole immobilier, Dauchez, Foncia, Immo de France, Loiselet & Daigremont, Nexity, Oralia, Sergic, Square habitat… « cette décision est conforme à celle prise sur Lille et condamne définitivement le recours à l’encadrement comme moyen de régulation des loyers. Il n’est pas besoin d’encadrement pour que les loyers se régulent par eux-mêmes. L’observatoire CLAMEUR a constaté, en novembre 2017, que les loyers de marché privé reculent, hors inflation, de 1.2 % sur un an et le nombre des baux nouveaux signés depuis janvier diminue de 4.7 %. Ces tendances, déflationnistes et inquiétantes, du marché locatif n’ont aucun lien avec l’encadrement des loyers puisqu’elles sont constatées sur tout le territoire », indique Plurience dans un communiqué. Un encadrement peut en cacher un autre A noter toutefois qu’un autre encadrement des loyers, celui qui s’applique lors de la relocation d’un bien est instauré depuis 5 ans dans 28 agglomérations. Certes, il n’est pas applicable dans le cadre d’une première location mais s’applique bien à chaque relocation. Le président de l’UNPI, Jean Perrin est satisfait de la décision du tribunal administratif de Paris qui « annule à juste titre une réglementation incompréhensible et inefficace ». Car la loi ALUR, en fixant des loyers plafonds pour Paris, a superposé de nouvelles règles à celles qui existaient déjà dans les zones tendues, et qui résultent d’un décret pris chaque année pour limiter l’évolution des loyers lors des renouvellements ou des nouvelles locations. L’application cumulative de ces textes a créé pour les particuliers une situation incompréhensible qui a renforcé la situation de crise existant à Paris, et qui a incité les bailleurs à vendre leurs logements compte tenu des sanctions existantes », rappelle l’UNPI. Qu’est-ce que l’encadrement des loyers à la relocation ? Depuis le 1er août dernier, l’encadrement des loyers à la relocation est reconduit en zones tendues, jusqu’au 31 juillet 2018. Ce dispositif d'encadrement s'applique à toutes les relocations vides et meublées à usage de résidence principale du locataire, depuis déjà 5 ans. En effet, Cécile Duflot, à l’époque ministre du Logement l’avait mis en place dès son entrée au gouvernement. Que dit la loi ? Lorsqu'un logement fait l'objet d'une nouvelle location (relocation), le loyer du nouveau contrat de location ne peut excéder le dernier loyer appliqué au précédent locataire (révisé uniquement en fonction de la variation de l'indice de référence des loyers, l’IRL). Quelques rares exceptions permettent de réévaluer librement le loyer à la relocation. Par exemple, si le propriétaire a réalisé depuis moins de six mois des travaux d'amélioration d'un montant au moins égal à la dernière année de loyer. Plus de 1000 communes concernées dont Paris et Lille Les villes concernées par l'encadrement des loyers à la relocation sont situées dans les zones dites « tendues », c’est-à-dire « des zones d'urbanisation continue de plus de 50.000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel ». Il s'agit concrètement de plus de 1000 communes réparties dans 28 agglomérations de métropole, soit au total 50 % de la population française. Les 28 agglomérations concernées où il existe un déséquilibre important entre l'offre et la demande sont les suivantes : Ajaccio, Annecy, Arles, Bastia, Bayonne, Beauvais, Bordeaux, Draguignan, Fréjus, Genève-Annemasse, Grenoble, La Rochelle, La Teste-de-Buch-Arcachon, Lille, Lyon, Marseille - Aix-en-Provence, Meaux, Menton-Monaco, Montpellier, Nantes, Nice, Paris, Saint-Nazaire, Sète, Strasbourg, Thonon-les-Bains, Toulon, Toulouse. Ce sont les agglomérations définies par la loi Alur de Cécile Duflot, du 24 mars 2014. Quelle différence entre l’encadrement des loyers et celui à la relocation ? L’encadrement des loyers entré en vigueur à Paris le 1er août 2015 et à Lille le 1er février 2017 avait pour vocation de lutter contre les loyers surévalués, voire « exorbitants ». Et les loyers de référence étaient révisés chaque année au 1er août. Ainsi au 1ER août 2017, plusieurs loyers de référence avaient par exemple augmenté entre 1 et 2%, rapporte l’Olap. Par contre l’encadrement des loyers à la relocation concerne 28 agglomérations, soit plus de 1000 communes et ce dispositif est très contraignant dans la mesure où le propriétaire ne peut pas augmenter le loyer d’un locataire à l’autre (sauf rares exceptions). Le bailleur doit se référer au dernier indice de référence des loyers (IRL), produit par l’INSEE (un tous les trimestres). Pour info, « le dernier IRL s’établit à 0,90%. C’est-à-dire que si le dernier loyer était fixé à 1000 euros, le prochain loyer ne pourra pas dépasser 1009 euros). Et en général l’IRL est compris entre 0,01 et 0,20% environ, d’où de faibles augmentations possibles », souligne l’Olap. Les loyers sont ainsi contenus, voire bloqués d’année en année. « Ce deuxième dispositif d’encadrement a pour but d’éviter une évolution trop forte des loyers », explique l’Olap. L’encadrement dont personne ne parle mais qui est tout aussi contraignant Malgré l’annulation de l’encadrement des loyers à Paris et à Lille, les bailleurs sont donc toujours contraints par ce dispositif d’encadrement des loyers à la relocation, qui sévit dans l’ombre depuis 5 ans. S’il a fait couler beaucoup moins d’encre, que l’encadrement des loyers fixé par arrêté préfectoral, l’encadrement des loyers à la relocation est pourtant très contraignant pour les bailleurs. Alexandra Boquillon