Facebook va-t-il révolutionner le prêt immobilier ?

Mardi 4 août, le géant des réseaux sociaux a déposé le brevet d'un dispositif informatique destiné aux banques et sociétés de crédit. Le principe est d'élaborer une application permettant de déterminer si un candidat emprunteur présente un bon profil ou non. Jusqu'ici tout va bien, si ce n'est que les algorithmes vont en fait aller étudier le profil de ses amis Facebook. Si le procédé est nouveau dans sa forme, dans le fond d'autres start-ups de la Silicon Valley ont déjà pris le train du juteux secteur de l'étude comportementale pour crédit à la consommation.

Si vos amis Facebook peuvent emprunter, vous aussi ?

Le réseau social créé par Mark Zuckerberg n'a pas encore communiqué sur ce sujet, qui commence à enfler sur Internet. Il n'est d'ailleurs pas certain qu'une application soit effectivement en cours d'élaboration, mais il n'y aurait rien de surprenant à ce que ce fut le cas.

À la lecture du résumé produit par quartz, on comprend que le programme informatique ira étudier le profil bancaire des amis Facebook du demandeur de crédit immobilier. De cette étude il naîtra une notation, présentée sous sa forme anglaise de «credit rating », qui peut se traduire en français par « scoring bancaire ». Si cette note est en dessous de la moyenne, l'application ne permettra pas au conseiller clientèle de la banque de traiter ce dossier. Dans le cas contraire, il pourra cliquer sur le bouton suivant.

Le brevet déposé par Facebook ne concerne donc pas véritablement un système destiné à déterminer la capacité d'emprunt d'un individu, mais celle de ses « amis ». L'idée est que si vos amis ne disposent pas d'un bon profil d'emprunteur, alors vous non plus.

Pour la petite histoire, le site de Fortune rapporte qu'il ne s'agit pas d'une invention de la firme de Mountain View, mais que ce brevet fait partie d'un lot acheté au réseau concurrent, Friendster, en mode pause depuis le 14 juin dernier.

La nouvelle mode du crédit à la consommation aux USA

Si la nouvelle fait du bruit sur Internet, c'est uniquement parce qu'elle émane de Facebook. Dans la pratique le géant américain serait plutôt à la traîne dans son pays, car on dénombre au moins 3 sociétés bien implantées dans l'attribution de crédits en rapport avec l'étude comportementale.

Il y a d'abord Zestfinance, qui propose aux sociétés de crédit d'utiliser le puits sans fonds du Big Data pour déterminer le scoring bancaire d'un candidat emprunteur. La société se vante d'offrir un modèle 40 % plus efficaces que la classique étude de dossier, pratiquée depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Le résultat déboucherait ainsi sur une baisse des défauts de paiement, encore qu'aucun chiffre précis n'est avancé sur son site. Son fondateur Douglas Merrill sait de quoi il parle, après avoir été directeur informatique chez… Google.

Il y a aussi Earnest, qui joue dans une autre division pour prétendre clairement sur son site offrir des taux d'emprunt bien en dessous de ce que proposent les prêteurs traditionnels. Pour arriver à ce résultat, les opérateurs déterminent le scoring bancaire des candidats emprunteur avec précision, permettant ainsi de diminuer le risque de défaut de paiement, ce qui in fine débouche sur un taux plus intéressant pour le consommateur. Et pour cela la société n'utilise apparemment pas de données relatives aux réseaux sociaux des demandeurs, mais plutôt des paramètres comme le niveau d'études. Suffisant en tout cas pour convaincre une poignée de fonds d'investissement de se lancer dans l'aventure.

En revanche, la start-up Affirm semble utiliser un plus grand panel de données pour accorder ses prêts à la consommation. L'internaute va faire ses emplettes sur les quelque 100 sites partenaires tels que Nabi, Casper et autres, puis se voit proposer de régler ses achats en 3 mois, 6 mois ou 12 mois. On lui demande de fournir des renseignements, et les robots font leur travail. Les algorithmes analysent le comportement du demandeur lors du remplissage du formulaire, et en concluent si l'intéressé est digne de confiance bancaire ou non. Et tout cela en moins de 2 min, car la réponse est quasi immédiate.

Un concept difficile à appliquer aux prêts immobiliers

L'acceptation quasi-instantanée d'un prêt à la consommation se pratique depuis des décennies dans notre bonne vieille France. Un ménage se rend dans une grande surface d'électroménager, et achète un téléviseur dernier cri qu'il règle en plusieurs fois, suite à un entretien d'une dizaine de minutes avec le conseiller clientèle d'une société de crédit. Le principe de la rapidité d'exécution est vital pour ne pas perdre la vente.

Il y a fort à parier que le procédé franchira l'Atlantique dans moins de 5 ans, pour s'installer parmi les nombreuses habitudes du shopper en ligne. D'ailleurs des sociétés de paiement en ligne comme PayPal pourrait fort bien être intéressées.

Cependant la place d'une application développée avec le brevet déposé par Facebook est plutôt contestable. Car autant lorsque l'on achète un aspirateur à crédit les remboursements sont courts, autant un bien immobilier se rembourse entre 17 et 18 ans en moyenne (source Observatoire CSA/Crédit Logement).

Qui dit allongement de la durée du crédit, dit hausse du risque. On notera toutefois que le foncier sur lequel le bien immobilier est implanté se valorise dans le temps, tandis que le bien de consommation se détériore. L'étude de la solvabilité du demandeur passe par une pile de documents, à un tel point qu'il vaut mieux confier le dossier à un courtier spécialisé.

Au départ de toute étude se pose la question du contrat de travail du candidat emprunteur, de son taux d'endettement futur et de son apport personnel. Il est difficilement concevable qu'une banque française puisse refuser d'octroyer un crédit à l'habitat, uniquement en consultant le profil Facebook du demandeur.

En revanche cette pratique pourrait fort bien se développer outre-Atlantique, même si elle semble se placer plutôt en contradiction avec le principe libéral du crédit à la portée de tous. Car effectivement il semble que l'application prêt immobilier de Facebook serve plutôt à refuser l'accès au financement, qu'à le faciliter.

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