Les professionnels de l'immobilier ont découvert la présence de l'article 52 du projet de loi de finances 2015, qui prévoit la quasi suppression des APL (Aides Personnalisées au Logement). Un sérieux handicap pour les accédants à la propriété aux revenus limités, qui constituent jusqu'à 15 % des dossiers acceptés chez Vousfinancer.com. Au niveau national, 20 % des emprunteurs ayant obtenu un prêt conventionné ont également perçu les APL en 2013. En tout, ces économies budgétaires devraient toucher 30 000 acheteurs immobiliers potentiels par an. Fin quasi-annoncée des APL Le 29 octobre dernier, l'article 52 du projet de loi des finances pour 2015, a prévu la révision des APL. Aujourd'hui les ménages aux revenus modestes, achetant leur résidence principale via un prêt conventionné, peuvent recevoir une aide correspondant à 30 % de leurs mensualités. Ces aides personnalisées au logement sont versées directement à la banque prêteuse. Seulement voilà, il faut faire des économies. Le budget 2015 prévoit donc une révision de cette mesure. Si cette disposition est votée le 4 novembre prochain, les APL dites accession ne seront versées que si les revenus des emprunteurs baissent de 30 %. Cette aide sera a priori toujours réservée aux ménages aux revenus modestes. Conséquences sur les prêts immobiliers aux classes moyennes La révision de l'octroi de l'APL accession risque d'avoir un effet négatif, sur l'accession à la propriété pour les classes moyennes. Aujourd'hui il est possible de finaliser un prêt immobilier pour des ménages à faibles revenus, en demandant d'APL. Les banques sont confiantes car il s'agit d'un revenu pérenne, qui permet de diminuer le taux d'endettement des demandeurs. Dès lors que cette mesure n'est plus en place à la souscription du prêt immobilier, le taux d'endettement de nombreux dossiers sera au-dessus des 33 % maximum autorisés par les prêteurs. Il y a de fortes chances pour que banques et organismes de crédit ne tiennent pas compte de la roue de secours que peuvent désormais représenter les aides personnalisées au logement. Ce changement de cap est regrettable, car il risque de priver de nombreuses familles de la chance de s'acheter une résidence principale. Selon Sandrine Allonier, responsable des relations banques chez Vousfinancer.com, « L’APL est une aide très efficace car elle est directement versée à la banque prêteuse et vient donc réduire la mensualité de crédit payée par l’emprunteur jusqu’à 30% dans certains cas. Prise en compte par les banques dans le plan de financement, elle permet donc à des ménages dont l’endettement aurait été trop élevé sans cette aide de devenir propriétaire » . À titre d'exemple, un couple lyonnais (zone A) ayant des revenus nets de 20 000 € par an, et 3 enfants à charge, peut aujourd'hui acheter un logement via un prêt à l'accession sociale (PAS), avec des mensualités de 700 €. Dans ce cas ils ont droit à une APL de 196 €/mois, ils n'ont donc plus qu'à verser 504 €/mois de leurs propres deniers. Au final, leur taux d'endettement est donc de 30 %, ils peuvent alors emprunter. Si on supprime l'APL pour les accédants à la propriété, la mensualité de 700 € fait grimper leur endettement à 42 %. Le projet devient donc impossible, ils ne pourront pas acheter leur résidence principale. Les APL et le marché immobilier aujourd'hui Aujourd'hui environ 500 000 personnes perçoivent l'APL accession, notamment les ménages ayant acheté leur appartement au moyen d'un prêt d'accession sociale (PAS). La SGFGAS (Société de Gestion du Fonds de Garantie de l’Accession Sociale à la propriété), 22 500 personnes ayant obtenu un prêt conventionné en 2013, ont bénéficié d'APL. Selon Sandrine Allonier, ce chiffre concerne même 30 000 acheteurs si l'on ajoute ceux qui bénéficient du prêt PAS. Alors que les professionnels de l'immobilier retrouvaient l'optimisme, notamment avec l'amélioration du PTZ+, cette nouvelle les surprend désagréablement. Jérôme Robin, président et fondateur de Vousfinancer.com, ne mâche pas ses mots : « 50 % de nos clients ont des revenus inférieurs à 25 000 € nets annuels et sont donc potentiellement éligibles aux APL. En 2014, entre 10 et 15 % des prêts que nous avons financés donnent droit aux APL. La suppression de celles-ci risque d’avoir un impact très négatif sur les primo-accédants dont beaucoup se sont déjà retirés du marché. D’un côté le gouvernement élargit le prêt à taux zéro dans le neuf et le réhabilite dans l’ancien en zone rural, et de l’autre il supprime les APL qui ont un véritable impact sur l’endettement des ménages et donc sur leur capacité à devenir propriétaire. C’est donner d’un côté pour reprendre de l’autre. A un moment où le marché commence à reprendre des couleurs ce type de mesure pourrait casser la dynamique enclenchée et donner un nouveau coup de frein au marché immobilier ». Le président de la FNAIM, M. Jean-François Buet, évoque une erreur : « c'est un mauvais calcul, car ces aides sont ensuite réinjectées dans les caisses de l'Etat via les droits de mutation lors de l'achat ou via la TVA en cas de travaux ». Le prêt à taux zéro suffira-t-il pour compenser ? Le prêt à taux zéro dans sa version améliorée entrée en service au 1er octobre 2014, pourrait ne pas suffire pour compenser la perte des APL. Car si ce type de financement ne comporte pas d'intérêts, il est tout de même nécessaire de rembourser le capital. Afin de ne pas cumuler à la fois les mensualités du PAS et du PTZ+, il sera nécessaire de différer celles du prêt à taux zéro. Cependant le différé de remboursement s'étend jusqu'à 14 ans. Or, il est peu probable que le remboursement du PAS soit complètement terminé à la date où commencent les mensualités du PTZ+. Il faudrait donc tabler sur une augmentation des salaires des emprunteurs à cette date, de manière à améliorer leur capacité de remboursement. Il s'agit d'un pari que pratiquement aucune banque ne souhaitera prendre. Plus que jamais il faudra faire appel aux investisseurs locatifs pour relancer la construction de logements sociaux. Car si la révision des APL est votée le 4 novembre prochain, les classes défavorisées auront bien du mal à devenir propriétaires.