Interview de Karine Lecocq, ingénieur patrimonial chez Lazard Frères Gestion Quelles sont les nouvelles règles d’assiette pour les biens démembrés imposables à l’IFI (par rapport à l’ISF) ? S’agissant des biens démembrés imposables à l’IFI, si le principe d’imposition de l’usufruitier sur la valeur en pleine propriété, tel qu’il existait pour l’ISF, est maintenu, il est néanmoins prévu un aménagement à cette règle d’assiette selon l’origine de constitution du démembrement : Usufruit légal du conjoint survivant : si le démembrement résulte de l’article 757 du Code civil – disposition accordant, en présence de descendants et en l’absence de dispositions testamentaires à l’époux survivant, l’usufruit de la totalité des biens figurant dans la succession du prémourant – l’usufruitier n’est alors imposé que sur la valeur de son usufruit déterminé en application du barème de l’article 669 du Code Général des Impôts. Le ou les nus propriétaires sont alors redevables de l’IFI sur la valeur de leur nue-propriété. Usufruit résultant d’une autre disposition : lorsque le démembrement résulte de la volonté des parties (testament, donation au dernier vivant, etc.) l’usufruitier est alors imposable à l’IFI sur la valeur en pleine propriété des biens. Pouvez-vous nous donner un cas concret ? La mère d’Olivier (69 ans) est veuve et a recueilli l’usufruit des actifs de succession de son époux en vertu des dispositions de l’article 757 du Code général des impôts. Elle possède un patrimoine immobilier s’élevant, au 1er janvier 2018 à 5 millions d’euros : à hauteur de 3M€ elle détient ces actifs en usufruit et Olivier en détient la nue-propriété ; à hauteur de 2M€ elle en détient la pleine propriété. Jusqu’en 2017, la mère d’Olivier était seule redevable de l’ISF sur la base de la valeur en pleine propriété de ces actifs immobiliers : 5M€. Olivier n’était pas imposable sur les actifs détenus en nue-propriété. Depuis le 1er janvier 2018, la mère d’Olivier est redevable de l’IFI que sur la valeur détenue en usufruit et en pleine-propriété de ces actifs. La valeur de l’usufruit est déterminée en fonction de l’âge de la mère selon le barème de l’article 669 du Code Général des Impôts. Etant donné que la mère d’Olivier est âgée de moins de 71 ans, la valeur de son usufruit est de 40% : soit 1,2M€ (40% x 3M€). Elle sera donc imposable à l’IFI sur ses actifs immobiliers détenus : en pleine propriété (2M€) et, en usufruit (1,2M€), soit une assiette taxable à l’IFI de 3,2M€ , tandis qu’elle s’élevait à 5M€ pour l’ISF. Corrélativement, Olivier, qui n’était pas imposé à l’ISF sur ces actifs, devra déclarer sa valeur en nue-propriété pour l’IFI : soit, compte-tenu de l’âge de sa mère : 1,8M€ (60% x 3M€). Si, en revanche, la mère d’Olivier avait recueilli son usufruit dans la succession de son époux en vertu d’une disposition testamentaire, elle serait imposée à l’IFI sur la valeur en pleine propriété de ses actifs immobiliers démembrés, comme elle l’était pour l’ISF. Le barème (article 669 du Code Général des Impôts) est fixé en fonction de l’âge de l’usufruitier : Pour les personnes âgées de moins de 71 ans, comme la mère d’Olivier âgée de 69 ans, la valeur de son usufruit s’élève à 40% (90% pour les moins de 21 ans, 80% pour les moins de 31 ans, 70% pour les moins de 41 ans, 60% pour les moins de 51 ans, 50% pour les moins de 61 ans, 30% pour les moins de 81 ans, 20% pour les moins de 91 ans, 10% pour les 91 ans et plus). Barème de l’IFI selon la fraction du patrimoine imposable : La fraction du patrimoine n’excédant pas 800 000 euros n’est pas taxé. Entre 800 000 et 1 300 000 euros, le taux applicable est fixé à 0,50% ; 0,70% entre 1 300 000 et 2 570 000 euros ; 1% entre 2 570 000 et 5 000 000 euros ; 1,25% entre 5 000 000 et 10 000 000 euros. Enfin, la fraction du patrimoine supérieure à 10 000 000 euros est imposable à 1,50%. Pourquoi est-ce une bonne nouvelle pour l’usufruitier ? Tous les conjoints survivants qui tiennent leur droit de l’usufruit légal n’auront à déclarer à l’IFI que la valeur en usufruit et non la valeur de la toute propriété des immeubles qui figuraient dans la succession de leur conjoint. Corrélativement, les nus propriétaires seront imposés à l’IFI sur la valeur de leur nue-propriété alors qu’ils n’étaient pas soumis à l’ISF sur cette nue-propriété. Propos recueillis par Alexandra Boquillon