L'annonce de la possible faillite de Martinsa-Fadesa fait l'effet d'une bombe, alors que l'on voyait l'Espagne proche de la sortie du tunnel. Le plus important promoteur immobilier outre Pyrénées ne peut plus rembourser ses 6,5 milliards d'euros de dettes, malgré une restructuration initiée en mars 2011. Le tribunal de commerce devrait statuer cet après-midi sur une possible liquidation judiciaire. Toutefois la politique monétaire de la BCE (Banque Centrale Européenne) pourrait permettre aux créanciers de se refinancer, sans demander l'aide de l'État. La première restructuration de dettes n'a pas fonctionné Après la frénésie des constructions entamées dès les années 2000 en Espagne, l'atterrissage est rude vers 2008. Les promoteurs en ont trop fait, les banques ont financé les yeux fermés, mais ont surtout prêté à des ménages présentant déjà un taux d'endettement élevé. Non content de prendre ce risque, elles leur ont fait signer des prêts immobiliers à taux variable, sans aucune cape. Alors qu'en France ce type de contrat comporte un pourcentage maximum au-delà duquel les mensualités ne peuvent grimper, cette barrière de sécurité n'était pas présente dans les contrats espagnols, à l'image des subprimes américaines. À un moment donné les emprunteurs se sont retrouvés insolvables, et les banques ont dû durcir leur politique d'octroi de prêts afin d'amortir le choc. Tout cela fini par signifier moins d'acheteurs, et des appartements vides, parfois même des villes nouvelles entières avec les panneaux «en venta » désespérément accrochés aux balcons. Le premier promoteur espagnol, Martinsa-Fadesa, se retrouva dans la tourmente et dû se déclarer en cessation de paiement en été 2008. Des mois et des mois de tractations plus tard, un plan de restructuration de dettes est finalement adopté par les parties concernées en mars 2011. Près de 4 ans plus tard les résultats ne sont pas au rendez-vous, et la dette de Martinsa-Fadesa atteint 6,5 milliards d'euros, alors que son actif n'est que de 2,4 milliards d'euros selon le journal El Mundo. Aujourd'hui les créanciers ne veulent plus jouer le jeu, et le tribunal de commerce devrait statuer cet après-midi sur une possible liquidation judiciaire, avec toutes les conséquences pour les prestataires. Un impact systémique limité pour les banques espagnoles ? Les créanciers du promoteur immobilier Martinsa-Fadesa sont surtout des banques, qui ont aujourd'hui la possibilité de se refinancer auprès de la BCE à 0,05 %. Les plus touchés par une possible liquidation judiciaire seront donc tous les prestataires membres de la chaîne directement et indirectement liée aux constructeurs. Car la BCE a déjà mis en place des mesures de protection contre la fragilité des institutions financières. La plus spectaculaire est sans doute la baisse de son principal taux de refinancement, passé de 3,75 % le 15 octobre 2008 à la barre historique d'1 % le 14 décembre 2011. Mais comme cela ne suffit toujours pas à relancer l'inflation et par effet ricochet l'activité bancaire, la décision fut prise d'abaisser le taux REFI à 0,05 % le 10 septembre 2014, valant au directeur de la BCE, M. Mario Draghi, le surnom de « super Mario ». Ainsi les banques créancières de Martinsa-Fadesa pourront emprunter à 0,05 % afin de s'acquitter des dettes qu'elles ont souscrites auprès d'autres banques pour financer le promoteur. Elles pourront en supplément prendre part à l'immense programme de rachat de dette des états lancé par la BCE en février. En clair, la situation est aujourd'hui différente de celle de 2008 car les banques disposent déjà de solutions pour amortir le choc. En revanche les prestataires du bâtiment risquent de se retrouver seuls face a leurs propres factures, ce qui ne devrait pas inverser la courbe du chômage, pointant à près de 24 %, dont environ 52 % chez les moins de 25 ans. Les promoteurs français pourraient presque se consoler Au vu du marasme dans lequel se trouvent les promoteurs immobiliers outre Pyrénées, les groupes français pourraient presque se consoler d'avoir construit moins de 300 000 logements neufs l'année dernière. Car dans l'Hexagone la situation est en train de se redresser, comme le constate le rapport du Commissariat au développement durable sur les ventes de logements neufs au dernier trimestre 2014. Si les ventes restent en berne à -3,9 % sur 1 an, elles effectuent un bond spectaculaire de +3,4 % d'octobre à décembre, par rapport à la même période l'année précédente. Même les banques sont de la partie, avec des taux moyens à 2,41 % pour le neuf en décembre, du jamais vu. À ce niveau les taux variables ne sont plus d'actualité, même s'ils permettent aujourd'hui de démarrer à 1,63 % sur 15 ans. Les moins de 35 ans peuvent désormais emprunter sur 25 ans sans risquer de voir leur projet de déménagement avaler toute leur plus-value. Mais surtout les banques ne se laissent pas prendre dans cette spirale ascendante naissante, en limitant les durées d'emprunt à moins de 30 ans. Au-delà, le barème de taux augmente de manière disproportionnée, rendant non viable une opération immobilière sur 30 ans. L'État légifère pour aider les promoteurs immobiliers Alors que le problème de l'Espagne est d'arriver à écouler un stock de logements invendus au prix de remises quelquefois jusqu'à 40 %, en France on ne construit pas assez et trop cher. La loi Alur de l'ancienne ministre du logement, Mme Cécile Duflot, est en cours de démantèlement 3 mois après sa promulgation, accusée d'augmenter les coûts de construction. Un plan local d'urbanisme permet désormais à Paris de construire sans parking, et le législateur se penche sur l'assouplissement des normes de construction, dont certaines dont devenues plutôt insolites de nos jours. En supplément le public reçoit 2 mesures emblématiques, l'une pour investir dans l'immobilier neuf, l'autre pour devenir propriétaire d'un logements neuf. La loi Pinel, nommée d'après la ministre remplaçant Mme Duflot, est accueillie avec optimisme auprès des professionnels. Les remises d'impôt de 2 % par an sur le prix du logement acheté, se cumulent à la faculté de choisir entre 6 ans ou 9 ans de mise en location, mais surtout de louer à ses ascendants et descendants. L'investisseur peut également maintenir sur le marché locatif de la 10e à la 12e année, pour 1 % de défiscalisation. Le prêt à taux zéro version 2015, nommé PTZ+ 2015, a vu ses plafonds de revenus augmenter afin de s'adresser à une majeure partie de la population. Désormais même les classes moyennes supérieures y ont accès, pouvant ainsi financer jusqu'à 25 % de leur projet sans payer d'intérêts.