Des taux de crédit immobilier au plus bas conjugués à des mesures de soutien gouvernementales à l’achat ont permis d’enrayer, en 2015, l’inexorable baisse de construction des logements neufs. Que faut-il attendre de cette stabilité retrouvée ? Quelles perspectives pour l’année à venir ? Les difficultés de la construction en France La France est l’un des pays d’Europe où le ratio coût du logement/revenu moyen est le plus élevé. En somme, se loger en France coûte cher, trop cher, pour des ménages qui ne voient pas leurs revenus augmenter en proportion. Afin de répondre à une très forte demande et contribuer ainsi à faire baisser les prix, le gouvernement affiche depuis 2012 un objectif de construction de 500 000 logements par an. Il espère ainsi revenir aux bons chiffres qui étaient ceux d’avant la crise de 2008. Si les besoins ne faiblissent pas, force est de constater que la construction, elle, est à la peine. En 2012, le nombre de mises en chantier de logements neufs a atteint un record de 445 000 unités, grâce à des effets incitatifs mis en place par le gouvernement (et notamment le dispositif Scellier, supprimé la même année). Nous étions déjà loin de l’objectif de 500 000 logements. Mais en 2013 et 2014, les chiffres de construction ont connu une baisse qui semblait inexorable, faisant passer le nombre de mises en chantier sous la barre des 350 000 unités. Un lent retournement du secteur de la construction Selon les chiffres du ministère du Logement, que l’on peut trouver dans ce document, 383 100 logements ont été autorisés à la construction en 2015, et 351 800 ont vu leurs travaux démarrer. De fait, le nombre de permis de construire accordés a progressé (+1,8% par rapport à 2014) tandis que la quantité de logements neufs mis en chantier s’est stabilisée (+0,3% par rapport à 2014). Mais la bonne nouvelle, c’est surtout que l’activité de construction a connu un bond dans la dernière partie de l’année, augurant du meilleur pour les mois à venir. Sur le dernier trimestre 2015, le nombre de permis de construire a en effet augmenté de 12,1%, soit 103 600 unités. La dynamique est bonne, mais elle ne fait pas tout. Le lent retournement du secteur de la construction en 2015, avec une progression continue des permis de construire entre août et septembre, ne doit pas dissimuler que les niveaux d’activité demeurent relativement faibles. Dans le détail du rebond de l’immobilier Deux raisons ont joué un rôle essentiel dans ce qu’on ne peut pas appeler une embellie, mais plutôt une éclaircie sur le secteur de la construction de logements neufs : Les taux de crédit immobilier très bas, qui ont dynamisé les transactions et donné l’occasion au marché de l’immobilier de sortir la tête de l’eau, emportant avec lui les demandes de permis de construire ; Des mesures de soutien gouvernementales au marché, notamment le dispositif Pinel, qui en encourageant les investissements locatifs a contribué à créer de la demande pour de la construction neuve. Le dispositif Pinel accorde, sous conditions, une réduction d’impôt aux acquéreurs d’un logement neuf qui louent leur bien nouvellement acquis pour une durée déterminée à l’avance et sous un certain plafond de loyer. Cette mesure a fortement encouragé les investissements dans l’immobilier neuf et a permis au gouvernement d’envoyer un signal positif à destination du marché, particulièrement suite au fiasco de la loi ALUR de Cécile Duflot et ses mesures critiquées par les professionnels. Dans le même temps, les taux de crédit ont atteint un plus bas historique pendant l’été 2015 avant de se stabiliser, courant décembre, autour de 2,20% en moyenne. Cette baisse inédite a eu un effet d’aubaine pour de nombreux ménages. Ceux-ci en ont profité pour contracter un prêt immobilier et acquérir un bien. Toutefois, si la baisse de construction de logements neufs a été enrayée en 2015, après plusieurs années, rien n’indique qu’il faille voir dans ce rebond une forme de pérennité. Les deux piliers qui ont porté cette dynamique semblent être, en effet, de nature conjoncturelle plus que structurelle, sans que les conditions d’une reprise vraiment durable soient réunies. La prudence des primo-accédants Le prêt à taux zéro (PTZ) amélioré, entré en vigueur au 1er janvier 2016, devrait achever de convaincre les accédants à la propriété qui sont restés timides en 2015. Le PTZ permet de financer sans intérêt jusqu’à 40% du prix du logement, sous conditions de ressources et d’emplacement. Son élargissement par le gouvernement a pour but de convaincre les acquéreurs de se lancer, ce qu’ils n’ont fait que prudemment l’année passée. L’attentisme des primo-accédants doit sans doute beaucoup à la baisse des taux de crédit (qu’ils espéraient voir se poursuivre) ainsi qu’à une chute tant espérée des prix d’achat, toujours trop élevés pour déclencher une vraie reprise. Pour Olivier Eluère, économiste de Crédit Agricole SA, les prix des logements neufs étaient toujours surévalués de 0 à 5% au début de l’année 2015 (lire ici). C’est certes mieux que les 20% de surévaluation du marché en 2012, mais pas encore suffisant pour convaincre les primo-accédants. Les prix représentent en effet un frein important à l’achat, donc à la construction de logements neufs, dans une conjoncture économique (un record de 3,59 millions de chômeurs fin 2015) qui n’est pas favorable à l’investissement des ménages. Ce qu’il faut attendre en 2016 Entre la reconduction du dispositif Pinel et l’élargissement du prêt à taux zéro, le contexte est favorable à la poursuite de la stabilisation de la construction de logements neufs. Celle-ci devrait, en conséquence, connaître une embellie (et non plus seulement une éclaircie) en 2016, aussi bien du côté des investisseurs que des particuliers. Ce que confirme la Fédération française du bâtiment sur son site, avec des prévisions optimistes : Une progression de la construction de logements neufs de 5,5%, avec quelques 35 000 mises en chantier supplémentaires (+10%). Un début de reprise de l’activité du bâtiment estimé à +0,9% en volume. Ces perspectives encourageantes restent toutefois tributaires de nombreux facteurs. À la bonne santé du marché immobilier en 2015 et au prolongement ou au renforcement des mesures de soutien venues du gouvernement, il faut ajouter des conditions variables qui ne dépendent plus des mêmes acteurs : le maintien à un bas niveau des taux de crédit et une amélioration, qui peine à se faire jour, du moral des ménages. Ce qui est certain, c’est que la demande de logements neufs, elle, ne faiblira pas. Ni en 2016, ni les années suivantes.