Marre de passer d’un minuscule studio à l’autre ? Et si vous optiez pour un logement vaste, confortable et moins cher… à la seule condition d’en partager quelques pièces avec d’autres personnes ? La colocation est en train de gagner ses galons d’alternative pertinente, à l’heure où le logement individuel s’avère de plus en plus inaccessible pour nos bourses limitées, et bien au-delà de la période des études : même les actifs, jeunes et moins jeunes, s’y mettent. Et pour un propriétaire qui met son bien en location, c’est une pratique qui revêt de nombreux avantages. Explications. Colocation : l’arme anti-solitude Partager un espace plus grand pour payer moins cher qu’un logement en solo : c’est le principe immémorial et immuable de la colocation. Les étudiants du monde entier connaissent bien ses avantages et ses inconvénients, eux qui se retrouvent à vivre en communauté le temps d’obtenir leurs diplômes. Mais si, autrefois, la colocation était une pratique subie – logements trop petits ou simplement invivables, propriétaires qui assomment les locataires avec des loyers astronomiques –, elle est de plus en plus choisie, y compris par les actifs jeunes et moins jeunes qui ont déserté les bancs de l’université depuis longtemps. Les raisons ? Toujours les mêmes : un appartement ou une maison avec plus d’espace pour des loyers plus raisonnables, car partagés entre plusieurs locataires. Sauf que la dimension économique ne fait pas tout. De nombreux colocataires d’aujourd’hui pourraient tout à fait déménager dans un logement rien qu’à eux, mais font le choix de la communauté – pour ne pas vivre en solitaire. Quelques chiffres sur la colocation Une étude CSA de 2014, réalisée pour le réseau immobilier Guy Hoquet, casse nos idées reçues sur la colocation. Selon cette enquête, bien que l’âge moyen des colocataires en France tourne autour de 25 ans, il s’avère qu’ils sont une majorité d’actifs : 54 % contre 45 % d’étudiants (et 1 % de retraités). La colocation ne serait donc plus seulement une affaire d’étudiants, et ce, contrairement à la croyance populaire : 74 % des Français continuent de croire que le partage d’habitat reste propre à cette catégorie de la population. Pour les colocataires, les motivations sont essentiellement portées par des questions de confort – budgétaire et spatial –, mais la lutte contre la solitude arrive tout de même en seconde position : Ils sont 83 % de Français à mettre l’aspect financier en première place des motivations de la vie en colocation (75 % des 18-24 ans) ; 34 % sont motivés par l’envie de ne pas vivre seuls ; on note également que ce pourcentage augmente (41 %) chez les plus de 61 ans ; ajoutons qu’ils sont 14 % seulement à penser que la colocation est l’occasion de faire des rencontres ; Enfin, 30 % des Français estiment que la colocation permet de trouver plus facilement un logement, et 27 % sont motivés par l’idée de dénicher un habitat plus grand et plus confortable. Faire le choix de vivre en colocation À l’heure où les montants des loyers et les exigences des agences/bailleurs outrepassent souvent les possibilités des candidats à la location, et dans une période où la difficulté de l’accès au crédit immobilier empêche une partie de la population active de considérer l’acquisition avant la barre des 30 ans et plus, la colocation est en train de devenir un mode de vie en soi. Une alternative à la sinistrose du logement presque partout en France. Mais c’est aussi une réponse à la perspective angoissante de la solitude, qui ne fait que s’aggraver au cœur des grandes villes : plus son environnement est dense, et plus l’on peut se sentir seul chez soi. De fait, pour un quart des sondés (toujours dans les résultats de l’étude CSA), la colocation est un choix, et non une obligation. Quand on n’est pas marié, pas en couple, ou simplement qu’on n’a pas envie de s’engager trop rapidement, l’habitat partagé permet de vivre des expériences en communauté et de négocier une transition plus douce vers la vie à deux. C’est la possibilité de raconter sa journée en rentrant du travail, d’aller au théâtre ou au cinéma à plusieurs, voire de partir en vacances avec ses colocataires. Une sorte de famille recomposée hétéroclite qui a l’avantage de n’être jamais subie et de pouvoir être quittée dès que sa situation personnelle évolue. C’est pourquoi la sociologie parle plus volontiers de « cohabitation » que de colocation. Derrière ce terme apparaît l’idée de sociabilité, qui vient s’additionner à celle de la nécessité financière. Les profils des colocataires peuvent être variés : il y a le jeune actif qui accède à l’indépendance en douceur, de manière progressive ; il y a celui ou celle qui débarque dans une nouvelle ville et profite de la colocation pour faire ses premières rencontres ; il y a ceux qui ont besoin d’espace et de diversité, et louent une chambre dans une grande maison avec une dizaine d’autres locataires, façon « auberge espagnole ». On y croise, en tout état de cause, des gens très différents. Propriétaires, locataires, bailleurs : l’avenir de la colocation Ce choix pourrait aboutir à des situations sociales innovantes. D’abord du point de vue des promoteurs immobiliers, qui sont enclins à concevoir des logements spécialement prévus pour la colocation. Ensuite pour les bailleurs sociaux, qui commencent à percevoir tous les bons côtés de ce mode d’habitat quand il s’agit de répondre à une demande de plus en plus importante en logement social (Action Logement a d’ailleurs commencé à s’y intéresser, comme on peut le lire ici). Et pour les locataires eux-mêmes, qui favorisent l’expérience de la vie en communauté à tel point qu’il est imaginable, dans un futur proche, de se figurer des familles vivant ensemble dans de grandes demeures à la campagne. Mais n’oublions pas les propriétaires privés, qui eux aussi regardent le principe de la colocation avec bienveillance. D’un côté, il y a les propriétaires qui vivent dans leur résidence principale, mais qui s’intéressent à la notion d’ « habitat participatif » développé par le biais de la loi Alur : une solution qui favorise le partage et la mixité sociale dans le cadre d’un financement immobilier. Un idée qui existe déjà chez nos voisins européens, notamment en Espagne où il n’est pas rare de trouver des « résidences » partagées avec des maisons individuelles, autour de parties communes payées par tous, sur le modèle de la copropriété. D’autre côté, il y a les propriétaires-bailleurs qui se verraient bien rentabiliser leur investissement locatif (par exemple via Pinel) en s’assurant un maximum de garanties financières tout en diminuant le risque de carence locative. Pour eux, le fait de favoriser la colocation peut s’avérer gagnant : un logement toujours occupé ; un loyer généralement plus élevé en additionnant la part de chaque colocataire ; des garanties plus solides (avec la possibilité de demander un garant par colocataire) ; etc. De sorte que la colocation semble bien avoir de l’avenir pour tout le monde. Et toujours avec le même objectif : vivre mieux, en communauté, et dans un plus grand confort.