Difficile d’estimer combien de logements sont actuellement vacants dans la capitale, mais le groupe communiste au conseil municipal avance le nombre de 100 000 biens. Dans une agglomération qui souffre d’un important déséquilibre entre l’offre et la demande, avec pour conséquence des loyers astronomiques, est-il acceptable que des propriétaires laissent leurs logements vides pendant des années ? C’est la question que s’est posée la Ville de Paris, et la réponse – par le biais d’un projet de hausse de la taxation – semble être un « non » franc et massif. La situation du logement vacant dans la capitale Il y aurait donc près de 100 000 logements vides dans Paris ; un nombre qui peut sembler extravagant, mais qui ne représente qu’une estimation basse (la fourchette hausse tablerait plutôt pour 120 000). Ce nombre correspond environ à 7 % du parc immobilier parisien, estimé en 2011 à 1 356 000 logements. Sur ces 7 %, on compterait 60 000 logements non connectés à EDF et 16 000 soumis à la taxe sur les logements vacants, qui touche les appartements vides depuis plus d’un an (mais pas les résidences secondaires). Où trouve-t-on le plus de logements vacants ? Des statistiques datant de 2011 montrent que ce sont les quartiers les plus chics de Paris qui possèdent le plus d’appartements partiellement ou totalement inoccupés (ces chiffres comprennent les résidences secondaires et les logements occasionnels ou vacants) : 29,1 % de vacance dans le 8e arrondissement ; 28,28 % dans le 4e; 28,11 % dans le 6e; 26,82 % dans le 1er; Dans les quartiers populaires, les pourcentages baissent à 9,55 % pour le 19e arrondissement et 8,24 % pour le 20e. Ce taux d’occupation moindre fait mécaniquement grimper les prix des loyers partout en ville. Pourquoi ces logements sont-ils vides ? La question est : pourquoi ces appartements sont-ils vides ? S’il s’agit d’investissements locatifs, comment expliquer qu’ils ne soient pas occupés par des locataires ? En premier lieu, les propriétaires expriment leur crainte des loyers impayés et leur rejet de la lourdeur des démarches administratives. Les mauvaises langues profiteraient de l’occasion pour montrer du doigt les mesures gouvernementales récentes – tel l’encadrement des loyers – mais la vérité, c’est que le pourcentage estimé de logements vacants atteignait 14 % en 2013… Soit deux ans avant la mise en application de la mesure, qui n’était alors qu’au stade du projet. Le fait est que les bailleurs craignent les conséquences d’une occupation abusive de leur logement (loyers impayés, dégradations), car les procédures d’expulsion sont trop longues et complexes. En second lieu, il y a les résidences secondaires – qui, elles, ne sont pas visées par la taxe sur les logements vacants. Elles pourraient représenter jusqu’à 90 000 biens… Soit la majorité du parc vide ! Elles seraient également concentrées dans les quartiers les plus bourgeois, entre le 1er et le 8e arrondissement. À part prendre des mesures visant à hausser la taxe d’habitation sur ces résidences secondaires, difficile de convaincre les propriétaires de s’en débarrasser ou de les mettre en location à l’année. Les mesures prises par la municipalité Depuis plus d’un an, la Ville de Paris s’est saisie du sujet à bras-le-corps pour tenter de réguler cette situation qui renforce la tension locative. Ce faisant, elle a choisi deux axes principaux : la taxation d’une part, l’incitation financière d’autre part. Et un troisième qui a trait au site de location saisonnière Airbnb. 1er axe : taxer les propriétaires de logements vacants Début juin, le groupe majoritaire au conseil municipal a ainsi voté le principe d’une hausse de la taxation qui touche les logements vacants. Calculée en pourcentage de la valeur locative cadastrale, cette taxe passera donc de 12,5 % à 50 % pour la première année de vacation, et de 25 % à 100 % pour la seconde année. Pour ce qui est des résidences secondaires, la Ville avait déjà pris des mesures l’année passée en augmentant de 20 % la taxe d’habitation pour les logements concernés – une décision qui faisait écho à celle d’un millier de communes ayant fait le même choix (à lire ici). La maire de Paris, Anne Hidalgo, juge toutefois cette hausse peu dissuasive au égard au faible taux de la taxe d’habitation locale (13,38 %). Elle souhaite donc appliquer une augmentation de 100 % de la taxe sur les résidences secondaires et, pour cela, a demandé au gouvernement d’inscrire ce vœu dans la loi de finances rectificative 2016 ou, à défaut, dans la prochaine loi de finances. Pour la municipalité, le but n’est pas de punir les propriétaires mais de les inciter à mettre ces logements en location ou à vendre pour qu’ils soient habités. Difficile, en effet, d’admettre que plus de 100 000 appartements puissent être vides de tout occupant, dans une ville où les opportunités locatives sont si rares et les loyers si chers. À noter que cette taxe logement vacant (TLV) existe en dehors de Paris. Elle s’applique à toutes les communes qui présentent ces deux caractéristiques : une population supérieure à 50 000 habitants et un fort déséquilibre entre l’offre et la demande locative (à voir dans le détail sur cette page). 2e axe : inciter à faire des travaux en vue d’une location La Ville a toutefois bien compris que tous les propriétaires de logements vacants ne sont pas d’affreux égoïstes qui refusent à tout prix de mettre leurs biens en location. Nombre d’entre eux sont de bonne foi et éprouvent simplement des difficultés à remettre leur logement en état pour pouvoir y accueillir des locataires dans les meilleures conditions. C’est pour eux que la mairie a mis en place, fin 2015, un dispositif appelé MultiLoc’, qui propose aux propriétaires (ainsi qu’aux locataires) une aide financière pour des travaux de remise en état et aux normes. Grâce à cette mesure, un propriétaire peut bénéficier d’une somme allant de 5 000 euros (pour une vacance comprise entre 1 et 6 mois) jusqu’à 13 000 euros (si le logement est vacant depuis plus de 6 mois). Il peut également obtenir l’indemnisation d’éventuels loyers impayés. Il y a, bien sûr, une contrepartie : l’engagement de mettre le logement en location pour une somme inférieure de 20 % au loyer de référence du quartier. Le dispositif fonctionne également du côté des locataires avec des plafonds de revenus. 3e axe : limiter l’impact d’Airbnb La crise du logement vacant à Paris est-elle imputable à Airbnb ? Il est vrai que l’impact de la plateforme de location saisonnière ne peut pas être positif, dans la mesure où l’on estime communément que la capitale française est la ville la plus « Airbnb-friendly » du monde, avec environ 35 000 annonces sur le site (au coude-à-coude avec New York). Nous avions déjà détaillé, dans un précédent billet, les problématiques liées à Airbnb dans une ville où la tension locative menace de plus en plus de faire imploser le parc immobilier. La mairie de Paris a donc décidé d’agir : Elle a demandé à Airbnb de collecter les taxes de séjour. Elle veut quadrupler l’amende encourue par un propriétaire qui louerait son logement au-delà des quatre mois permis par la réglementation en vigueur. La contravention passerait ainsi de 25 000 euros à 100 000 euros. Elle voudrait aussi que le site coupe l’accès à la plateforme pour les annonces incriminées. Ces mesures suffiront-elles à convaincre les propriétaires de logements vacants de les (re)mettre en location ? Seul l’avenir nous le dira.