Location, acquisition & financement : le prélèvement à la source ne change rien !

Le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu est entré en vigueur le 1er janvier 2019. Cette réforme introduit un nouveau mode de recouvrement avec un montant du net à payer en baisse sur les fiches de paie pour les contribuables. Selon Christine Fumagalli, présidente du réseau Orpi, il est primordial de « dédiaboliser » le sujet. Quel est l’impact réel du PA.S ? Faut-il craindre sa récente mise en place ou pas ? Analyses de Christine Fumagalli et de Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer.

Le seul changement est psychologique. Les Français doivent redéfinir aujourd’hui la gestion de leur budget. Avec ou sans P.A.S, les particuliers doivent toujours se loger. D’ailleurs, dans les agences Orpi, il y a toujours de la demande. Les Français ont simplement besoin d’être rassurés, « on est plus pédagogues », témoigne Christine Fumagalli, présidente du réseau Orpi.

Pouvoir de location inchangé

« Aucun.  L’urgence aujourd’hui est de rassurer les particuliers contribuables sur leur pouvoir de location qui reste inchangé » assure Christine Fumagalli. « Il faut faire confiance aux Français, qui sont capables d’assumer leurs responsabilités ». Le taux d’impayés sur les loyers est faible (4%) et ne devrait pas exploser selon la Présidente du réseau Orpi. Prenons un exemple chiffré fictif : un locataire paye un loyer de 400 euros, et perçoit désormais 1200 euros de revenus depuis la mise en place du P.A.S alors qu’il touchait en 2018 1300 euros. Comment compensera-t-il ces 100 euros déduits chaque mois ? Il fera peut-être des concessions sur les sorties, restaurants, vêtements…sur le superflu mais payera toujours son loyer et ses charges. Techniquement selon Christine Fumagalli, rien ne change pour l’étude des dossiers de location. « Nous étudions la solvabilité sur une année ».

Calcul de la solvabilité inchangé

« Il est d’usage que tout locataire puisse justifier de revenus nets mensuels équivalents à trois fois le montant du loyer charges comprises. Rappelons toutefois que dans le cadre d’un dossier de location, nous prenons en compte l’ensemble des revenus du futur locataire – bien sûr, ses fiches de paie mais également ses fiches d’imposition, ses revenus fonciers et autres compléments de revenus qui rentrent dans le calcul de solvabilité » ajoute Christine Fumagalli. « Depuis l’entrée en vigueur de la réforme et dans le cas particulier de la fiche de paie, nous analysons la ligne « revenus nets avant imposition » comme il est d’usage aujourd’hui et comme il le sera toujours demain ».

Pouvoir d’achat réparti autrement

Côté acquisition, les acheteurs potentiels ayant le sentiment d’avoir moins de pouvoir d’achat, vont-ils négocier plus âprement les prix ? « En réalité, ils n’ont pas moins de pouvoir d’achat, c’est faux », rétorque Christine Fumagalli. Leur pouvoir d’achat est simplement réparti autrement. Avant le P.A.S, ils payaient aussi l’impôt. D’ailleurs, bon nombre de contribuables non mensualisés ou qui n’avaient pas mis de côté la provision, la somme à sortir pour les impôts, se retrouvaient bien souvent pris à la gorge ».

Le P.A.S va -t-il faire baisser les prix de l’immobilier ?

Plusieurs observateurs voient finalement dans "cette baisse optique" des revenus, un moyen de contenir la hausse des prix (qui tend déjà à régresser ces derniers trimestres, ndlr) et anticipent donc une baisse des prix. Une tendance qui pourrait se dessiner si l’impression qu’ont les Français d’être désolvabilisés perdure et les conduit à négocier instinctivement à la baisse les prix des biens immobiliers proposés à la vente. L’avenir nous le dira…

2019 : année de transition 

 « 2019 est une année de transition. Quand on change les habitudes des Français, ils peuvent se sentir déstabilisés, ou dans une situation d’inconfort mais d’ici 3 mois, chacun aura trouvé ses marques », anticipe Christine Fumagalli, optimiste et refusant de céder au catastrophisme. On n’a pas le choix, on doit faire avec ce changement. Le changement est dans l’air du temps. Personne n’aime le changement. Mais on s’y habituera. Le temps nous y aidera », assure-t-elle.

Des inquiétudes naturelles qui ne vont pas s'inscrire dans la durée...

Les Français ont simplement besoin d’être rassurés. D’après un sondage OpinionWay pour Vousfinancer, publié en décembre dernier, 72 % des français exprimaient au moins une crainte liée au PAS, avec en tête des erreurs dans le montant prélevé (pour 34 % des Français).  Etaient aussi redoutés une baisse du pouvoir d’achat (24 % des réponses), le sentiment de gagner moins d’argent (19 %), la difficulté de gérer ses finances (16 %) et le sentiment de payer plus d’impôts (14 %). Ces inquiétudes étaient encore plus fortes chez les ménages modestes (37 % à craindre des erreurs de prélèvement et 31 % une baisse de leur pouvoir d’achat). Au final, seuls 26 % des personnes interrogées déclaraient ne ressentir aucune crainte liée à la mise en place du prélèvement à la source.

« Les inquiétudes exprimées sont naturelles mais elles pourraient ne pas durer… Les Français vont avoir besoin d’un peu de temps pour s’habituer à cette nouvelle gestion de leurs finances. Mais après quelques mois, si le dispositif est efficace et le nombre d’erreurs limité, ces inquiétudes pourraient se dissiper rapidement, ce qui limiterait l’impact négatif réel de la mise en place du prélèvement à la source » analyse Frédéric Micheau, directeur des études d’opinion chez OpinionWay.

Attentisme des acquéreurs les plus fragiles au 1er trimestre 2019 ?

« Même si 60 % des Français qui paient l’impôt sur le revenu sont mensualisés, cette étude montre que les Français craignent d’emprunter un montant plus faible ou de boucler plus difficilement leurs fins de mois, même si dans les faits le prélèvement à la source ne changera rien. Comme le marché immobilier est souvent impacté par des effets psychologiques, on peut tout de même appréhender un attentisme des acheteurs au 1er trimestre, notamment des acquéreurs les plus jeunes ou les plus fragiles qui sont ceux qui ont le sentiment d’être le plus impactés… » analyse Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer.

Prise en compte par les banques du « net à payer avant impôt sur le revenu »

« D’après les partenaires bancaires que nous avons interrogés, la mise en place du prélèvement à la source ne modifie pas les calculs d’endettement et de capacité d’emprunt. Les banques prennent en compte le « net à payer avant impôt sur le revenu » qui reste inscrit sur les fiches de paie en plus du nouveau « net à payer après prélèvement de l’impôt ». Le montant d’impôt déduit du salaire rentre tout de même bien sûr en ligne de compte dans l’étude globale du dossier et l’évaluation du risque via le calcul du « reste-à-vivre » qui est la somme restante toutes charges déduites (mensualité de prêt, autres prêts en cours, charges diverses, pensions alimentaires, ET impôts) », rappelle Sandrine Allonier.

"Le mouvement social des Gilets jaunes est plus problématique que le P.A.S" !

Le seul sujet aujourd’hui avec la mise en place du PAS reste pour les ménages la gestion de leur budget réparti différemment. 

En tout cas, ce n’est pas comme si le Gouvernement avait annoncé une hausse de 10% d’impôts : là les Français auraient vraiment pu se plaindre d’une diminution de leur pouvoir d’achat ! « Je suis convaincue que d’ici un, deux ou trois mois, le P.A.S sera totalement intégré », anticipe Christine Fumagalli. Et de conclure : "Aujourd’hui, le mouvement social des Gilets jaunes est plus problématique que le prélèvement à la source". Affaire à suivre… 

Propos recueillis par Alexandra Boquillon

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