Richard Ferrand a rencontré la semaine dernière plusieurs acteurs du logement. Des entretiens bien peu relayés par les médias. Seules les révélations du Canard enchaîné, du Monde et de Médiapart font la une des journaux. Le ministre de la Cohésion de territoires résistera-t-il encore longtemps à la tornade médiatique qui s’abat sur lui ? Ou bien va-t-il être contraint de démissionner ? Richard Ferrand avance comme si de rien n’était, faisant fi de cette tornade médiadique qui s'abat sur lui depuis plusieurs jours. Il passe entre les tirs, toujours debout, toujours en marche. Visiblement,le nouveau ministre en charge du Logement n’a pas de temps à perdre et a déjà un agenda bien chargé, enchaînant les entretiens. Concertations avec les acteurs du logement Pour preuve, selon un communiqué du ministère de la Cohésion des territoires, Richard Ferrand s’est entretenu le 23 mai dernier avec Jacques Chanut, président d’Action Logement et président de la Fédération Française du Bâtiment. Puis il a rencontré Nathalie Appéré, présidente de l’Agence nationale de l’habitat. Il a ensuite participé à l’Assemblée générale de la Fédération Nationale des Coopératives HLM, avant de s’entretenir avec Marie-Noëlle Lienemann, présidente de la Fédération. « Dans les prochains jours, le ministre poursuivra ses échanges avec notamment le président de l’Union Sociale pour l’habitat, Jean-Louis Dumont, et le président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, François Pupponi », ajoutait le communiqué de presse datant du 23 mai dernier. Pour rappel, au moment de sa prise de fonction, Richard Ferrand, ministre de la Cohésion des territoires, avait souhaité mettre l’accent sur la nécessaire concertation avec les acteurs du logement. Il n’a visiblement pas perdu de temps. Tornade médiatique Mais depuis sa nomination en tant que ministre de la Cohésion des territoires, Richard Ferrand est ciblé par des révélations du Canard Enchaîné concernant une opération immobilière pour le moins opaque. Alors qu’il était Directeur général jusqu'en 2012 des Mutuelles de Bretagne, celles-ci étaient à la recherche de locaux pour abriter un centre de soins, Richard Ferrand avait fait l’acquisition en nom propre d’un immeuble dans le centre de Brest. Selon Le Point, « L'homme, pas encore député, avait ainsi signé auprès d'un particulier un compromis de vente en décembre 2010, lequel prévoyait qu'une société civile immobilière (SCI), dirigée par sa compagne, Sandrine Doucen, le remplacerait bientôt. Richard Ferrand avait également fait inscrire dans le compromis que la vente ne serait valable qu'à la condition qu'un contrat de bail soit noué dans les prochaines semaines entre la SCI de sa compagne et... les Mutuelles de Bretagne ». "Rien à me reprocher ni au niveau légal, ni au niveau moral" Aujourd’hui le principal intéressé dit n’avoir absolument rien à se reprocher « ni au niveau légal, ni au niveau moral », malgré de nouvelles révélations de Médiapart qui tend à démontrer selon Le Point « que Richard Ferrand était au moins indirectement intéressé par l'opération immobilière puisque sa fille, une collégienne de 13 ans, a acquis en février 2017 la seule part de la SCI qui n'était pas détenue par sa mère. Enfin, Mediapart explique également que la première épouse de Richard Ferrand, une artiste peintre installée en Bretagne, a été chargée de l'aménagement intérieur des locaux loués aux Mutuelles de Bretagne... « Je réponds à vos questions afin de ne pas paraître m'y dérober. Mais ce serait un comble que vous évoquiez des relations avec mon ex-mari qui n'existent plus depuis longtemps, du fait d'anciens conflits personnels. (…) Je ne saurais vous dire si le fait que nous ayons été mariés a joué, je veux croire que c'est plutôt (…) mes compétences et la qualité de mes réalisations qui ont été déterminantes », a confié Madame Coustal, son ex-femme, à Mediapart. Favoritisme et conflit d’intérêts ? Pour sa part, Le Monde, a publié hier une longue enquête sur « le mélange de genres » de Richard Ferrand, révélant que ce dernier a également embauché dès 2012 en tant qu'assistant parlementaire le compagnon de Joëlle Salaun, l'actuelle directrice des Mutuelles de Bretagne... Richard Ferrand, quant à lui, était parvenu à conserver un poste de chargé de mission aux Mutuelles de Bretagne, durant tout son mandat de député entre 2012 et 2017, contre une rémunération de 1 250 euros par mois. « Un échange de bons procédés ? » s'interroge le journal Le Monde». « Amalgames et sous-entendus » Pour sa défense, « un article publié dans Le Monde met directement en cause mon honnêteté. Sous couvert de présentation objective de situations, cet article fait des amalgames et laisse place à tous les sous-entendus sans jamais rien démontrer. Je réfute et condamne tous les soupçons implicites de cet article », a déploré Richard Ferrand dans un communiqué daté du 30 mai. Il a également tenu à s’expliquer sur son poste de chargé de mission : « C’est précisément en raison de la bonne gestion des Mutuelles de Bretagne que j’ai dirigée pendant 19 ans que l’Assemblée générale a décidé à l’unanimité, hors ma présence, de me confier une mission auprès de mon successeur, Madame Joëlle Salaun pour que je puisse continuer à apporter mon expertise et ma connaissance de cette entreprise. J’ai accompagné par des réunions de travail régulières mon successeur et le comité de direction dans le développement du projet stratégique arrêté par le CA : par exemple, les investissements dans le secteur dentaire. « Le soi-disant conflit d’intérêts » J’ai toujours tenu conserver une activité professionnelle quels qu’aient été mes mandats. Je l’ai d’ailleurs toujours déclaré à la HATVP. J’ai perçu jusqu’à fin 2016 une rémunération de 1.250 euros net par mois. J’observe que des centaines de députés ou sénateurs conservent également et parfois pleinement leur activité professionnelle, ce qui me parait totalement bénéfique par opposition à celles et ceux qui ne vivent que de la politique ». Et d’ajouter : « Sur le soi-disant conflit d’intérêts entre mon activité professionnelle de chargé de mission au sein des Mutuelles de Bretagne et mon mandat de député (à propos d’une loi sur les mutuelles très favorable pour ces dernières) : Il m’est reproché d’avoir participé aux débats sur une proposition de loi en 2012 relative aux réseaux mutualité. Cette proposition a été déposée par le président du groupe SRC et l’ensemble des députés qui le composent, conformément aux engagements de campagne de François Hollande. Si je suis intervenu en Commission et en séance pour défendre les principes de ce texte, je n’ai en revanche pas déposé d’amendement. A l’origine, ce texte a même été porté et voté par le groupe UMP avant d’être censuré (cavalier législatif) par le conseil constitutionnel, en 2010. Devais-je m’abstenir de défendre un principe pertinent et dans le sens de l’intérêt général au prétexte que je connais bien le sujet ? Monsieur Bernard Accoyer qui est médecin, n’a-t-il pas participé à tous les débats sur les projets de loi de santé et de financement de la sécurité sociale les années où il a siégé ? Demande-t-on à Monsieur Christian Jacob de ne pas intervenir sur les sujets agricoles en raison de son ancienne présidence du CNJA ? Interdit-on aux députés qui sont médecins de voter le budget de la sécurité sociale ? Faut-il expressément empêcher les magistrats et les avocats de siéger à la commission des lois ? », pointe-t-il. Aucun élément nié A la fin du communiqué publié hier, Richard Ferrand a précisé quant à sa collaboration avec Hervé Clabon : « Monsieur Hervé Clabon a été mon collaborateur parlementaire du 3 septembre 2012 au 10 janvier 2014. Or, la déclaration d’intérêt à la HATVP date du 25 janvier 2014, date à laquelle Monsieur Clabon ne travaillait donc plus avec moi et c’est la raison pour laquelle il ne figure pas sur la déclaration. En effet, il a quitté son poste en raison de graves problèmes de santé, c’est précisément pour cela, que comme je l’ai déjà indiqué, que j’ai recruté mon fils en remplacement, pendant 4 mois, pour un salaire de 1.266,16 € net par mois ». Quant à la situation de Madame Coustal, son ex-épouse, il a déclaré : « Je suis séparé de Madame Coustal depuis 1993, et nous sommes divorcés depuis 1994. Elle a par ailleurs plus travaillé pour les Mutuelles de Bretagne après mon départ de la Direction générale des Mutuelles de Bretagne qu’au moment au j’occupais les fonctions de Directeur général. La première fois que les Mutuelles ont fait appel à ses prestations, c’était en 2002, donc 8 ans après notre divorce. Je ne suis bien évidemment jamais intervenu pour qu’elle obtienne un quelconque contrat – j’observe d’ailleurs qu’aucun élément n’est avancé en ce sens. Madame Coustal vit en Bretagne et la qualité de son travail est reconnue. Il s’agit d’un prestataire sollicité par les différents responsables des services des Mutuelles. A toutes fins utiles, comme elle a pu le préciser, les Mutuelles ne sont qu’un client parmi d’autres dans son activité. Selon un article du Monde publié hier soir, à la suite du communiqué du ministre, « Richard Ferrand ne nie aucun des éléments » de leur enquête. Affaire classée ? En dépit de ces suspicions de favoritisme et de conflits d’intérêts, le parquet national financier et le parquet de Brest ont conclu que les faits reprochés à Richard Ferrand ne nécessitaient pas l'ouverture d'une enquête. En tout cas pour le moment, l'entourage d'Édouard Philippe a répondu à l’AFP que le ministre de la Cohésion des territoires conservait toute « la confiance » du chef du gouvernement. « Aucun des faits rapportés par les médias n'est répréhensible aux yeux de la loi », explique-t-on à Matignon. Interrogé hier soir par David Pujadas sur France 2, Edouard Philippe, le Premier ministre a répondu que Richard Ferrand pouvait « rester dans le gouvernement » même s’il comprend bien « l’exaspération des Français ». Affaire classée. A moins que de nouvelles révélations dans les prochaines heures ou les prochains jours ne viennent définitivement obliger Richard Ferrand à faire…marche arrière. Alexandra Boquillon Sources : AFP