Le ralentissement de la hausse des prix immobiliers se confirme bel et bien en juin 2018. Les prix reculent même dans 45 % des grandes villes. Et les négociations vont bon train. Analyse de Michel Mouillart, professeur d'Economie à l'Université Paris Ouest et porte-parole du baromètre LPI-SeLoger. Ralentissement de la hausse des prix de l’ancien Le ralentissement de la hausse des prix de l’ancien qui avait commencé durant l’automne 2017 se renforce, au fil des mois. Le rythme d’augmentation des prix signés mesuré sur un an s’est établi à 3.9 % en mai, après avoir culminé à 4.6 % à la fin de l’été dernier. Et le ralentissement se constate aussi bien pour les appartements (+ 4.4 %, contre + 5.1 % en septembre 2017) que pour les maisons (+ 3.0 %, contre + 3.8 %). Depuis l’inversion de la courbe des prix en mai 2015, les prix de l’ancien ont augmenté de 10.6 % au total (+ 10.8 % pour les appartements et + 10.1 % pour les maisons). Mais l’amélioration des conditions de crédit, avec la baisse des taux d’intérêt et l’allongement de la durée des prêts accordés, n’a pas été suffisante pour compenser l’impact de la hausse des prix sur la solvabilité de la demande. Ainsi, sur de nombreux territoires, la demande fléchit : les vendeurs doivent alors réviser leurs ambitions ou risquer un accroissement des délais de vente, voire la perte des acheteurs. Ainsi, les tensions sur les prix se sont nettement allégées sur le marché des appartements : la progression des prix signés constatée au cours des 3 derniers mois s’est établie à 0.9 % en mai, contre + 1.9 % il y a un an à la même époque. En revanche sur le marché des maisons où la demande résiste maintenant mieux, la hausse des prix reste soutenue : + 3.0 %, mais après avoir reculé à partir de l’été 2017 et pendant près de 6 mois. Poursuite de la baisse des prix du neuf Pour le troisième mois consécutif, les prix des logements neufs ont baissé en mai. La diminution se fait néanmoins plus rapide, au fil des mois : - 0.8 % au cours des 3 derniers mois. Au-delà du mouvement saisonnier des prix, la baisse actuelle est sensible. Elle fait écho à l’affaiblissement d’une demande déstabilisée par la dégradation des soutiens publics. Aussi, l’affaiblissement du rythme annuel de progression des prix constaté durant l’automne dernier se renforce : avec en mai, + 2.8 % pour l’ensemble du marché, contre 3.4 % en décembre 2017. Le ralentissement est général. Les prix des maisons qui ont augmenté le plus rapidement par le passé ralentissent plus fortement (+ 4.6 % sur un an, contre 5.6 % en décembre 2017) que ceux des appartements (+ 2.4 % sur un an, contre 2.9 % en décembre 2017). Baisse des prix dans 45 % des grandes villes Le ralentissement de la hausse des prix des appartements anciens se poursuit. Dans 30 % des villes de plus de 100 000 habitants, les prix signés baissent sur un an. Et dans 15 % supplémentaires des grandes villes, ils ont reculé au cours des 3 derniers mois. Dans les villes moyennes de province, celles qui comptent entre 60 000 et 100 000 habitants, la baisse des prix est moins fréquente (dans 30 % des cas), en raison d’une progression des prix moins rapide par le passé. Pour autant, lorsque la progression des prix est vive comme sur Bordeaux, sans présenter des signes d’essoufflement, la pression de la demande se diffuse sur les communes environnantes (Mérignac, Pessac) et y tire les prix vers le haut. De même en est-il sur de nombreuses communes limitrophes de Paris (Issy-les-Moulineaux, Levallois-Perret, Montreuil,…) et sur les communes très convoitées (Courbevoie, Rueil-Malmaison, …). Alors que Neuilly-sur-Seine ne connaît qu’une augmentation plus modérée de prix, mais qui dépassent déjà les10 000 €/m² ! En général les villes les moins chères, sous les 1 700 €/m², sont aussi celles où face à une demande fragile et déstabilisée par la suppression des aides personnelles, les prix reculent rapidement comme à Bourges, à Dunkerque, au Mans, à Mulhouse, à Perpignan ou à Quimper. Un marché en cours d’atterrissage Après une courte embellie en avril, la demande a rechuté en mai. Comme souvent, l’activité a été affectée par la succession de « ponts » guère favorables à la réalisation des transactions immobilières. En outre, les perturbations météorologiques et les mouvements sociaux à la SNCF ont pesé sur la demande. Aussi, et en dépit de conditions de crédit qui se sont encore améliorées, le nombre de compromis signés a décroché, en recul de 8.2 % en glissement annuel. Ainsi, le nombre de compromis mesuré en niveau annuel glissant est en recul de 4.4 % sur un an. L’activité qui se dégrade nettement depuis la fin de l’été 2017 est en train de descendre une marche. Lorsque l’atterrissage actuel du marché sera terminé, au cours de l’été prochain, les ventes devraient avoir reculé de l’ordre de 10 %. Les marges de négociation repartent à la hausse En mai, France entière, la marge de négociation s’est établie à 4.2 %, en moyenne : 3.2 % pour les appartements et 5.3 % pour les maisons. Un retour à la normale pour Michel Mouillart. Sur le marché des appartements, les marges se sont ressaisies en mai. Elles étaient descendues très bas en avril, ce qui est inhabituel au début du printemps. Mais avec le ralentissement de la hausse des prix qui se renforce et un nouvel affaiblissement de la demande, elles ont amorcé leur remontée. Bien sûr, quand la pression de la demande reste forte, les marges sont faibles : 2.9 % en Ile de France ou 2.7 % en Rhône-Alpes. En revanche, si la demande est fragile et malmenée par la conjoncture et la politique publique du logement, comme en Champagne-Ardenne (7.1 %) ou dans les Pays de la Loire (5.6 %), les marges de négociation se maintiennent à haut niveau. Sur le marché des maisons, les marges restent élevées, même si elles ont encore un peu reculé en mai. Les propositions de prix des vendeurs se sont pourtant renforcées, comme cela est habituel à l’arrivée des beaux jours. D’ailleurs, sur certains territoires, les vendeurs doivent accepter de réduire les prix pour réaliser la vente : les marges de négociation y sont alors plus élevées qu’ailleurs, comme en Haute Normandie (7.4 %) ou en Bretagne (6.6 %) et dans les Pays de la Loire (6.8 %). Reprise des ventes, mais pas partout Dans les régions qui ont eu à souffrir du décrochage de la demande dès 2016, l’activité se ressaisit depuis plusieurs mois déjà. Parfois rapidement comme dans l’est de la France, avec des ventes en hausse de l’ordre de 10 %, au cours des 3 derniers mois : en Alsace, en Champagne-Ardenne, en Franche Comté et en Lorraine. Ou à un rythme moins rapide (de l’ordre de 5 %), comme dans le centre de la France : en Auvergne, dans le Centre et dans le Limousin. Dans d’autres régions la demande hésite encore, alternant de courtes périodes de redressement et une rechute de l’activité. Avec au total, une quasi stabilisation des ventes, au cours des 3 derniers mois : comme en Basse Normandie, en Bourgogne, en Haute Normandie, en Picardie et en Poitou-Charentes. Ailleurs l’activité recule toujours, de l’ordre de 10 % au cours des 3 derniers mois. Les spécificités des métropoles Entre les métropoles les moins chères (Brest, Grand Nancy ou Rouen-Normandie) et celle du Grand Paris, l’écart de prix est de 1 à 4.1 pour les appartements, mais de 2.2 « seulement » pour les maisons. La dispersion des prix est en effet bien moindre sur le marché des maisons : avec un écart de l’ordre de 2 entre les métropoles les moins chères et celles de Bordeaux, Lyon ou Nice-Côte d’Azur (2.3 dans le cas des appartements) ; et de l’ordre de 1.5 avec les autres métropoles (1.8 dans le cas des appartements). Ces différences de prix restent à l’image du potentiel de développement économique des territoires et des niveaux de revenus des ménages résidants. En général, les prix sont plus élevés dans la ville-centre que sur le reste de la métropole. La surcote de la ville-centre est la plus forte pour Paris (de l’ordre de 40 % pour les appartements et les maisons) : les prix progressent deux fois moins vite en périphérie. Puis vient Bordeaux (de l’ordre de 20 %) : les prix augmentent en outre bien moins vite hors la ville-centre. Sur Lyon, Nantes, Rouen ou Strasbourg, la surcote se situe entre 10 et 15 %, exprimant encore une forte attractivité de l’espace central : les prix progressent pourtant à des rythmes comparables, entre le centre et la périphérie. Alors qu’avec seulement 5 à 6 % d’écart, Nancy et Lille présentent un espace métropolitain nettement plus homogène. En revanche, la ville-centre peut être moins chère que le reste de la métropole, comme à Brest, à Grenoble ou à Marseille, par exemple, lorsque la demande préfère une localisation excentrée (qualité de l’habitat, attachement à la maison individuelle, …). Analyse de Michel Mouillart, professeur d'Economie à l'Université Paris Ouest et porte-parole du baromètre LPI-SeLoger. Publiée par Alexandra Boquillon