Depuis de nombreux mois, beaucoup de choses ont été dites et écrites à propos d’une éventuelle nouvelle taxation des propriétaires fonciers. Mais cet été, le gouvernement et le président de l’Association des Régions de France sont parvenus à un accord : nouvelle taxation il y aura bien, mais elle prendra la forme d’une surtaxe sur l’impôt foncier. Voici tout ce qu’il faut savoir de cette surprise fiscale à venir en 2017. Demander un prêt Pas de pause fiscale pour les propriétaires Alors que Bercy a récemment apporté des précisions sur le geste fiscal consenti par le gouvernement aux ménages – 1 milliard d’euros de baisses de l’impôt sur le revenu qui vont concerner quelques 5 millions de foyers – en guise de chant du cygne économique avant les prochaines élections présidentielles, l’État a révélé, en parallèle, des détails sur le projet de taxation qui devrait toucher les propriétaires en 2017. Beaucoup de choses ont été dites et publiées depuis que l’idée d’une taxation supplémentaire des propriétaires fonciers a filtré, tant et si bien qu’il était devenu compliqué de séparer le bon grain de l’ivraie. Dans la catégorie « intox », l’annonce la plus surprenante concernait les « loyers implicites » : il était soi-disant prévu que chaque propriétaire ayant terminé de rembourser son crédit immobilier verse à l’État une sorte de loyer implicite calculé sur la valeur locative de son bien, jusqu’à 60 % de cette valeur. Bien sûr, cette information était fausse. Avouons que la notion même de propriété, dans ce cas, eût été nettement remise en cause… Même s’il n’est pas totalement exclu qu’un gouvernement se saisisse de l’idée un jour ou l’autre. La taxe sera donc bien plus simple et plus transparente que ne le laissaient penser les rumeurs de ce type – mais il s’agira tout de même d’une taxe dont le projet met déjà en colère les propriétaires fonciers, les professionnels de l’immobilier et certains présidents de régions. Sans compter qu’il entre en contradiction avec la volonté affichée par le gouvernement d’offrir aux contribuables une pause fiscale, et plus globalement, de favoriser les transactions immobilières, qu’il s’agisse d’accéder à la propriété ou d’acheter pour louer (dispositif Pinel et autres). La nouvelle taxe d’équipement régional Le nouveau prélèvement, baptisé « taxe spéciale d’équipement régional » (TSER), est inscrit au cœur du Budget 2017. Son assiette serait similaire à la contribution foncière des entreprises (CFE). Il devrait rapporter 600 millions d’euros aux régions afin de financer les transferts de compétences non sécurisés par l’État. Il ne s’agit pas exactement d’un nouvel impôt local, c’est plus subtil : la TSER sera considérée comme une taxe additionnelle venant s’ajouter : À la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), qui touche les propriétaires particuliers ; À la cotisation foncière des entreprises (CFE), payée par les sociétés. En revanche, seront épargnés par cette surtaxe : Les propriétaires de terrains nus (propriétés non bâties) ; Les locataires assujettis uniquement à la taxe d’habitation. Devraient également être épargnés les propriétaires fonciers de Paris et de région parisienne, eu égard au fait que l’Île-de-France est déjà assujettie à une taxe d’équipement votée dans le cadre du Budget 2016 dans le but de financer les futures infrastructures du Grand Paris (environ +0,2 %). Elle touche à la fois les propriétaires fonciers, les propriétaires de terrains nus et les locataires. Pour ce qui est de l’application de cette surtaxe, les dés ne sont pas encore jetés : elle devra être votée dans le cadre du projet de loi de finances 2017 avant d’entrer en vigueur l’année prochaine, et ensuite adoptée à l’échelon local par chaque conseil régional. Quant à son montant, il faudra sans doute attendre de recevoir son avis de taxe foncière 2017 pour obtenir un chiffre fixe. Une guerre à venir entre les régions et l’État ? La création de la taxe spéciale d’équipement régional a été annoncée officiellement par le Premier ministre, Manuel Valls, en juillet dernier, après un entretien avec le président de l’Association des Régions de France, le député des Républicains Philippe Richert. Pour autant, les négociations entre l’État et les représentants des collectivités locales sont loin d’être terminées : il reste encore à savoir qui portera la responsabilité de cette surtaxe et qui décidera, au final, de l’appliquer ou non. Lors d’un précédent entretien à la fin du printemps, l’exécutif et les régions s’étaient plus ou moins mis d’accord sur une responsabilité complète des collectivités : les régions auraient décidé seules du taux de surtaxe et de son champ d’application. Or, la vérité est que les arbitrages en ce sens ne sont pas rendus, et qu’il se pourrait bien, in fine, que les responsabilités soient partagées : l’État définirait le niveau de surtaxe, quand les régions choisiraient de l’appliquer ou non. Cette répartition des responsabilités pourrait contribuer à déclencher une guerre entre l’exécutif et les présidents de régions, ceux-ci rechignant à imposer toujours plus des contribuables déjà assommés par les hausses fiscales des quatre dernières années. Des élus ont d’ailleurs fait entendre des voix discordantes dès cet été : Xavier Bertrand, président de la région des Hauts-de-France, et Christian Estrosi, président de Provence-Alpes-Côte d’Azur, ont déjà indiqué qu’ils n’appliqueraient pas cette surtaxe. Or, toutes les régions ne sont pas dans une opposition systématique quand il s’agit de cette taxe. Il se trouve que les régions, très en difficulté au fil des transferts de compétences décidés par l’État mais non financés, auraient besoin, pour fonctionner correctement, d’une somme supplémentaire allant de 800 millions à 1 milliard d’euros. Selon les chiffres avancés par le ministère de l’Économie, le gain estimé de 600 millions pour la première version de la TSER n’est que la fourchette basse… De quoi rassurer les régions sur le plan économique, et donc les pousser à embrasser le principe de cette surtaxe. D’ailleurs, l’opposition des deux élus Républicains cités plus haut n’est pas tellement suivie par leurs confrères, y compris du même bord politique : le président de l’Association des Régions de France, et lui-même président LR de la région Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, Philippe Richert, s’est dit satisfait de l’initiative gouvernementale. Il est donc probable que la plupart des présidents des 13 nouvelles régions françaises suivent leur porte-parole dans cette voie. Une taxe qui attise les colères Au-delà des élus locaux, ce sont les propriétaires et les professionnels de l’immobilier qui montent au créneau contre l’application de la taxe spéciale d’équipement régional. Pour l’UNPI, l’Union nationale des professionnels de l’immobilier, cette nouvelle taxation risque d’avoir des conséquences gravissimes sur l’économie locale des régions. Il faut s’attendre à des reports de constructions, à une dégradation du parc des logements faute de travaux, à une perte d’activité des entreprises du BTP… – bref, un effet domino aux effets dévastateurs. Sans compter que les entreprises seront-elles-mêmes soumises à ce nouvel impôt via leur contribution foncière. Pour les propriétaires, c’est le ras-le-bol fiscal général. En sus des hausses d’impôts subies ces dernières années, il faut rappeler que la taxe foncière elle-même a augmenté, en 5 ans, de 16 % (voir ici). En outre, la TSER risque d’être ressentie comme une injustice, après 20 ou 30 ans de remboursement d’un crédit immobilier. Le signal envoyé par le gouvernement n’a rien de bon, d’autant qu’il aura créé ainsi un précédent et qu’il pourra ensuite jouer à la hausse avec le niveau de surtaxe, provoquant nécessairement un questionnement chez les acquéreurs : l’investissement immobilier sera-t-il toujours aussi intéressant s’il faut ajouter, au prix d’acquisition du bien, déjà élevé, des surtaxes régulières et imprévisibles ?