Jusqu'à présent la mairie de Paris dispose d'un droit de préemption sur les immeubles. Lorsqu'un propriétaire signe un avant-contrat avec un vendeur, la municipalité est prioritaire sur la vente. L'annonce vendredi de la volonté de la maire, Mme Anne Hidalgo, d'étendre ce droit de préemption à tous les appartements dans tous les arrondissements de la capitale, n'a pas fini de faire parler. Au nom de l'objectif des 25 % de logements sociaux, la mairie a déjà établi une liste de 250 immeubles. Les propriétaires pourraient réagir avec inquiétude, car dans la pratique la municipalité peut proposer un prix inférieur à celui négocié. Le droit de préemption de la mairie de Paris sur les appartements La fuite a été révélée par RTL vendredi dernier, pour être immédiatement reprise par la presse. Afin d'atteindre son objectif de 25 % de logements sociaux dans la capitale, la mairie de Paris aurait l'intention de s'octroyer un droit de préemption sur les appartements en vente. Alors qu'actuellement ce droit ne s'applique que sur les immeubles, Mme Anne Hidalgo entend désormais pouvoir acheter n'importe quel logement en vente à Paris, en ayant priorité sur tout acheteur. La nouvelle est effectivement confirmée à la presse dans la matinée : « L'objectif est de développer le logement social, en favorisant la mixité de palier. C'est un outil supplémentaire afin d'atteindre l'objectif de construction de plus de 7.000 logements sociaux par an ». Un budget de 850 millions d'euros Avant d'être validé, le projet devra être voté par le conseil de Paris, qui se déroulera du 15 au 17 décembre. S'il est voté, il s'accompagnera d'un budget de 850 millions d'euros, d'ici à 2020, soit durant la mandature de Mme Hidalgo. Les préemptions commenceront dès 2015, en s'appuyant sur une enveloppe budgétaire de 130 millions d'euros. Pour mémoire, le budget alloué à l'exercice du droit de préemption de la municipalité pour 2014, se montait à 85 millions d'euros. Droit de préemption de Paris : les critères Selon l'adjoint au maire responsable du logement, M. Ian Brossat, la mairie a déjà listé 250 immeubles, comprenant un total de 8000 logements. La municipalité a retenu 3 critères : la présence d'une copropriété, la situation dans un quartier comptant peu de logements sociaux, et le fait que les appartements comprennent déjà des locataires aux revenus faibles ou moyens. Dans la pratique, la mairie se tiendra au fait des cessions d'appartements dans l'un de ces immeubles, et pourra alors faire valoir son droit de préemption sur un simple appartement. Toute la question est de savoir si le juste prix sera payé, inquiétude face à laquelle M. Brossat se veut rassurant sans s'engager : « la Ville de Paris ne fait pas d'offres farfelues ». Droit de préemption sur un appartement à Paris, comment ça marche ? Si l'extension du droit de préemption est voté lors du conseil de Paris, la mairie pourra donc acheter en priorité tout appartement mis en vente, dans n'importe quel arrondissement. Toutefois certaines règles doivent être respectées. En premier lieu la préemption ne peut s'appliquer que sur un bien immobilier mis en vente. La municipalité n'a aucun droit de s'approprier un logement non mis en vente, il s'agirait alors d'une expropriation. Dans la pratique, le vendeur et l'acheteur signent un avant-contrat, et le notaire se charge de remettre une « déclaration d'intention d'aliéner » à la mairie de l'arrondissement. Ce document précise le prix et les conditions de vente. À partir de cette date, la municipalité dispose de 2 mois pour exercer son droit de préemption. Une absence de manifestations de sa part après la date butoir, équivaut à une renonciation. Si la mairie souhaite acheter l'appartement en priorité, elle doit se justifier. En théorie le motif doit entrer dans le cadre du texte voté par le conseil de Paris. En réalité le texte est flou, la motivation exprimée l'est d'autant plus qu'il sera difficile au vendeur, voire impossible, de récupérer son bien par la suite. Car si l'événement motivé pour l'exercice du droit de préemption n'est pas réalisé, le vendeur peut réclamer la récupération de son bien. En général le manque de visibilité du dispositif ne permet pas cette rétrocession. Qui fixe le prix de vente ? La Ville de Paris fixe elle-même le prix qu'elle souhaite payer pour l'appartement ciblé. Si ce prix est identique à celui fixé sur l'avant-contrat, la vente est automatiquement conclue avec la municipalité, sans que le vendeur n'ait le droit de s'y opposer. Cependant le prix proposé est généralement inférieur à celui négocié avec l'acheteur. Dès lors, le vendeur dispose de 3 solutions : renoncer à la vente, négocier avec la municipalité, ou accepter purement et simplement. Se défendre contre un droit de préemption sur un appartement Si le propriétaire n'accepte pas le prix proposé par la municipalité, il doit retirer son bien immobilier de la vente. Si le projet d'extension du droit de préemption est voté par le conseil, tous les vendeurs de biens immobiliers à Paris auront intérêt à se rapprocher d'un conseil juridique avisé. Ils devront s'assurer que leur avant-contrat dispose de clauses leur permettant de casser la vente en toute sécurité, dès lors que la mairie de Paris a choisi leur logement. Mais dans la réalité le vendeur se retrouve souvent coincé par la nécessité de vendre. Il peut être tenté d'entamer une procédure de négociation avec le service municipal de l'urbanisme. Toutefois cette bonne volonté peut peut être périlleuse, comme le rappelle dans les colonnes du site capital.fr M. Michel Cunin, du syndicat de défense des expropriés Acoonex. Entamer soi-même les négociations « aboutit le plus souvent à des tractations interminables, d'autant que le propriétaire court le risque de se faire avoir face à des personnes plus rodées que lui à cet exercice ». Lorsqu'aucun compromis ne peut être trouvé, les 2 parties se retrouvent devant le juge d'expropriation. À l'issue d'une longue procédure, ce dernier détermine le prix de vente de l'appartement, en se basant sur des transactions conclues sur des biens immobiliers équivalents, dans le même secteur. Cependant chacune des 2 parties, mairie de Paris et vendeur, peut refuser ce prix. On retourne alors à la case départ et il ne reste plus que 2 choix au vendeur : accepter de vendre à bas prix ou refuser la vente.