Le décret d’application du permis de louer a été publié en catimini le 21 décembre dernier. Depuis le 1er janvier, il contraint les bailleurs privés lors de la signature d’un nouveau bail à faire une déclaration aux collectivités, voire à leur demander une autorisation préalable pour pouvoir louer leur bien en fonction de zones géographiques définies par la commune. Une mesure qui fait bondir les professionnels de l’immobilier. Explications La Loi ALUR a prévu un système de contrôle des mises en location pour certains logements… Deux ans et demi après avoir été voté, le décret d’application du permis de louer vient d’être publié en catimini le 21 décembre dernier. Depuis le 1er janvier, il contraint les bailleurs privés lors de la signature d’un nouveau bail à faire une déclaration aux collectivités, voire à leur demander une autorisation préalable pour pouvoir louer leur bien en fonction de zones géographiques définies par la commune. Les conseils municipaux ou les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) peuvent sur la base du volontariat définir des zones soumises à deux types de régimes différents. 1er régime dans certaines zones : il s’agit d’une simple déclaration du bailleur lors de la mise en location d’un bien. Dans ce cas, celle-ci doit se faire auprès de la mairie dans les 15 jours suivants la signature du nouveau bail. Cette déclaration doit mentionner l’identité du propriétaire, son adresse, ses coordonnées, la localisation du bien, sa désignation, sa consistance (habitat individuel ou collectif, copropriété ou non, époque de construction, surface habitable, nombre de pièces, systèmes de chauffage et de production d'eau chaude sanitaire…), ainsi que la date de signature du contrat. Un récépissé autorisant la location sera remis au propriétaire dans un délai d’un mois. Tous les bailleurs n'y sont pas soumis : seulement ceux qui souhaitent louer un bien situé dans une zone désignée par la mairie. Autre régime pour les zones abritant un grand nombre de logements dégradés (zones délimitées par la mairie) : l’obligation pour le bailleur d’obtenir une autorisation préalable avant de conclure le bail. Cette autorisation délivrée sous un mois est valable deux ans. Les appartements situés dans un immeuble faisant l’objet d’un arrêté d’insalubrité ou de péril n’y seront pas éligibles. "Pour tout logement considéré comme "susceptible de porter atteinte à la sécurité des occupants et à la salubrité publique" la demande pourra donner lieu à un rejet, ou à une autorisation sous conditions de travaux ou d’aménagements", précise le ministère du Logement. Resserrer l'étau sur les marchands de sommeil? Ce dispositif de permis de louer, selon Emmanuelle Cosse, la ministre du Logement, « vise à améliorer le suivi des mises en location dans les zones où l’habitat indigne se développe ». Avec ces deux dispositifs, le ministère du Logement espère resserrer l'étau sur les marchands de sommeil en donnant carte blanche aux communes pour réaliser des contrôles sur l’état des biens mis en location. Selon le ministère, l’habitat indigne concernerait 210 000 logements en France. Les amendes encourues en cas de non respect de ces obligations peuvent aller de 5 000 € à 15 000 € si un bien est loué malgré un avis défavorable du maire ou de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Le permis de louer déclenche l’ire des professionnels Une mesure qui a déclenché la colère notamment de la FNAIM, de la Chambre des Propriétaires et de l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI). « Les professionnels de l’immobilier sont garants de la décence des logements dont ils ont la gestion. C’est faire fi de leurs compétences que de leur demander d’appliquer ce décret », s’insurge Jean-François Buet, le Président de la FNAIM, en chef de file des protestataires. Un décret voté en catimini Alors que le CNTGI « devait permettre au gouvernement de recevoir des avis éclairés, concrets et essentiels » dixit Emmanuelle Cosse, « il n’a à nouveau été ni consulté ni informé de ce décret !», déplore Jean-François Buet. Pour rappel, le Conseil National de la Transaction et de la Gestion de Immobilières (CNTGI) mis en place par la loi Alur à la demande des organisations professionnelles qui ont voulu doter le secteur de l'immobilier d'une instance afin de « jouer un rôle plus actif dans la régulation de leur propre profession", a un rôle de réflexion et non de décision. "Plutôt que d'attendre que le législateur ou que l'administration se saisisse d'un certain nombre de problèmes liés à notre activité, le CNTGI peut se saisir de ces difficultés pour faire des propositions en amont", avait expliqué Bernard Vorms, président du CNTGI, composé de 12 membres. La mission du CNTGI est donc d'éclairer et d'influencer la décision publique, sans que ce dernier ne puisse pour autant imposer ses décisions. En effet, il n’a pas de pouvoir réglementaire. La preuve ! Mais les professionnels auraient souhaité être au moins consultés. La FNAIM demande l'abrogation du décret sur la mise en place du permis de louer « Les professionnels de l’immobilier sont garants de la décence des logements dont ils ont la gestion. C’est faire fi de leurs compétences que de leur demander d’appliquer ce décret », s’insurge Jean-François Buet, Président de la FNAIM. « Nous attendons de la ministre du Logement que les professionnels soient exonérés de cette obligation ». Autres aberrations pour le président de la FNAIM : Les collectivités locales auront la possibilité d’élargir à leur guise le territoire défini de façon arbitraire. Comment seront calculées les amendes administratives, comprises entre 5 000 et 15 000 €, qui seront infligées aux propriétaires contrevenants ? « Nous voici de nouveau face à une mesure absurde qui va complexifier l’ensemble du marché locatif. Rappelons que l’habitat indigne représente 1% des locations en France et que ce décret ne résoudra en rien le problème », déplore Jean-François Buet. "Le permis de tuer" Même colère chez l’UNPI qui a rebaptisé le permis de louer en "permis de tuer" et a déclaré : « Ce permis de louer va tuer certains bailleurs ayant eu l’audace d’investir dans certains quartiers difficiles où il faut pourtant loger les familles. Aidons-les à préserver et entretenir leur patrimoine plutôt que de les sanctionner ! Aidons-les à lutter contre les locataires indélicats qui ne paient pas leurs loyers, dégradent volontairement leur logement, et entament tant la rentabilité locative qu’ils excluent toutes possibilités de travaux. Ce permis de louer va organiser une vacance (locative, Ndlr) massive, la chute des investissements (en termes d’achat et de travaux) et donc la destruction de l’offre locative. Et pour l’UNPI, le permis de louer n’est pas une arme contre les marchands de sommeil qui n’en tiendront pas compte, « tant ils sont déjà en dehors des règles ». Affaire à suivre. Alexandra Boquillon