Pinel : les Parlementaires redessinent les contours du dispositif de défiscalisation

Plusieurs amendements dans le cadre de l’article 39 du PLF 2018 ont été adoptés à l’Assemblée Nationale les 9 et 17 novembre derniers. Quels sont ces amendements adoptés par les députés en première lecture ? Quels sont les changements en vue ? Analyse de Franck Vignaud, responsable du Laboratoire de l’Immobilier, spécialiste du marché neuf.

Les débats sont houleux. Une bataille d’amendements a eu lieu à l’Assemblée Nationale ces dernières semaines en ce qui concerne le dispositif Pinel, dans le cadre de l’article 39 du PLF 2018, en cours d'examen au Parlement. « La séance, assez agitée, a même dû être interrompue à deux reprises. Une pression assez forte émanait du gouvernement et de Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances. D’ailleurs, seuls leurs amendements ont été adoptés », observe Franck Vignaud, responsable du Laboratoire de l’Immobilier

Les communes de la zone B1 en passe d’être soumises à l’obtention d’un agrément préfectoral

 Première nouveauté de taille : un texte, adopté par les députés le 9 novembre 2017, « vient soumettre l'éligibilité au dispositif Pinel des investissements réalisés en zone B1 à l'obtention par les communes d'un agrément, selon les mêmes conditions que celles retenues aujourd'hui pour la zone B2. »

Les communes en zone B1 seraient donc exclues du dispositif sauf si elles obtiennent l’agrément de la part du préfet de région, après l’aval du comité régional de l'habitat et de l'hébergement. La mesure s'appliquerait à environ 1.400 communes, dont Toulouse, Nantes, Strasbourg, Bordeaux ou Rennes. (Autres communes englobées dans la zone B1 : Reims, Le Havre, Grenoble, Dijon, Nîmes, Clermont-Ferrand, Tours, Limoges, Amiens, Perpignan, Metz, Orléans, Mulhouse, Rouen et Caen…).

S’il y a peu de doute concernant l’octroi de l’agrément préfectoral pour les grandes métropoles régionales comme Toulouse, Nantes, Strasbourg, Bordeaux ou Rennes, un point d’interrogation pourrait se poser quant aux autres communes de la zone B1, selon l’expert.

Une usine à gaz ?

De plus, cette nouveauté semble compliquée à gérer d’un point de vue administratif. « Un arrêté dresse actuellement la liste des communes en zones A, A Bis, B1, considérées comme tendues, c’est-à-dire où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande, en d’autres termes où il existe une pénurie d’offre sur le marché locatif. Or cette nouvelle mesure impliquerait de rédiger un nouvel arrêté avec une liste excluant les communes classées en zone B1, en d’autres termes, celles qui devront obtenir un agrément préfectoral », soulève Franck Vignaud. « Et quid de tous les dossiers en cours ? », s’interroge-t-il.

Nouveaux délais de sortie pour les zones B2 et C ?

Un texte adopté à l’Assemblée nationale en première lecture le 17 novembre prévoit toujours l’exclusion du dispositif des communes situées en zone B2 et C mais leur délai et modalités de sortie changent : seules seront éligibles les opérations situées dans les communes ayant reçu un agrément dont le permis de construire aura été déposé avant le 31 décembre 2017 et les logements dont l’achat sera acté avant le 31 décembre 2018. « Délai trop court », déplorent les professionnels. Le député Gilles Carrez requiert 6 mois de plus. Ces conditions et délais sont prévus afin d’éviter une ruée de la part des promoteurs avec le risque de sur-construction qui en découle. « Le temps de déposer le dossier, qu’il soit instruit, purgé de tout recours, que le promoteur précommercialise suffisamment de logements afin d’obtenir la GFA (Garantie financière d’achèvement) auprès de sa banque, puis que les réservataires obtiennent leur prêt…bref les délais sont vraiment trop courts », confirme Franck Vignaud. Et d’ajouter : « peut-être qu’un amendement du Sénat va prévoir un délai plus long car le délai en l’état entre le dépôt de permis et la signature de l’acte, n’est pas tenable »

Evaluation du dispositif avant septembre 2019

Autre nouveauté : Un amendement adopté par les députés le 17 novembre prévoit une évaluation du dispositif, à rendre avant septembre 2019, afin de vérifier son efficience. Une bonne chose en soi.

Une ineptie totale ?

Dernière nouveauté en date, et non des moindres : un amendement déposé par Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, prévoit que les communes qui subissent la fermeture d’une caserne ou d’une base militaire soient d’office éligibles au dispositif de défiscalisation Pinel. « Dans une ville comme Reims par exemple qui se trouve dans cette situation, pourquoi pas », relève Franck Vignaud, de toute façon elle est déjà éligible au dispositif. Mais par contre, pour des toutes petites communes localisées en zone C, ce serait une double peine : le départ d’effectifs importants (si une partie des militaires sont logés dans la caserne, d’autres sont aussi logés dans le parc locatif privé) et la construction de logements alors même que le marché est détendu, c’est vraiment paradoxal », s’inquiète Franck Vignaud, responsable du Laboratoire de l’Immobilier.

Les professionnels et les observateurs attendent l’examen de l’article 39 du PLF 2018 par les sénateurs, puis en deuxième lecture par les députés. Une seule certitude : les contours du Pinel sont bel et bien en train d’être modifiés. Sur fond de maîtrise budgétaire.

Alexandra Boquillon

 

 

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