Bon nombre de jeunes de moins de 40 aimeraient accéder à la propriété mais ne peuvent se le permettre, tant les prix de la pierre restent élevés, notamment dans la capitale et en première couronne parisienne. Mais grâce à une donation parentale, ils peuvent finalement devenir propriétaire. Attention toutefois à bien officialiser l’acte devant notaire. Pourquoi vaut-il mieux privilégier la donation-partage plutôt que la donation simple ? Explications et conseils de Maître Nathalie Couzigou-Suhas, notaire à Paris. Johanna*, 28 ans, trouvait dommage de jeter 800 euros de loyers par la fenêtre tous les mois. Comme elle, 96% des jeunes de moins de 40 ans souhaiteraient acheter leur résidence principale. Or, sans coup de pouce parental, les chances d’y parvenir dépassent à peine 50 %. Une probabilité qui s’élève par contre à 70% en cas de donation, selon une étude de l’Insee. Une mensualité de crédit inférieur à son ancien loyer ! Grâce à un don manuel de 30 000 euros transmis par ses parents, Johanna, a finalement pu acheter l’an dernier un 2-pièces de 35 mètres carrés à rénover pour 195 000 euros à Levallois-Perret (92). Sa mensualité de 740 euros, étalée sur 20 ans est inférieure à son ancien loyer ! « Grâce à l’aide de mes parents, je ne suis pas prise à la gorge à la fin du mois », souligne-t-elle. Pas de doute, les donations facilitent la constitution de l’apport exigé par les banques (au moins l’équivalent des frais de notaire), et permettent de moins s’endetter. En raison des prix qui restent élevés à Levallois, « 70% de nos primo-accédants bénéficient d’une aide financière familiale », témoigne Paolo Favazzo, gérant des agences Mister Property. Il s’agit en général de petites sommes « oscillant entre 10 000 et 40 000 euros » mais toutefois très précieuses. Dans la capitale, les aides doivent être encore plus importantes, compte tenu des tarifs prohibitifs pratiqués. La preuve avec Sixtine : cette trentenaire a pu s’offrir un petit 3-pièces de 42 m² dans un immeuble pierre de taille situé dans le 9ème arrondissement pour la coquette somme de 350 000 euros. Heureusement que ses parents lui ont donné un sacré coup de pouce financier. « Sans leur donation de 230 000 euros, je n’aurais jamais pu acheter à Paris », reconnaît la jeune responsable en communication. Cécile a dû prospecter, quant à elle, du côté de la Seine Saint-Denis, à Saint-Ouen (93), où elle a déniché un 42 m² avec travaux pour 120 000 euros. Elle a pu s’offrir ce beau 2-pièces avec parquet, moulures et cheminée grâce à sa mère qui n’a pas hésité une seconde à vider son PEL pour lui prêter 27 000 euros sans intérêts. La jeune documentaliste âgée de 27 ans rembourse aujourd’hui son emprunt bancaire, les charges, la taxe foncière et une partie des impôts avec les loyers qu’elle perçoit. Elle a signé une reconnaissance de dette à sa mère. « Je lui rembourse ce que je peux à mon rythme avec mes primes de fin d’année». Au final, seuls les parents de Sixtine ont formalisé l’opération devant notaire. Donation partage : « la voie royale » En effet, Jean et son épouse ont transmis le même jour 230 000 euros à leurs deux filles Sixtine et Marie. « Même si nous sommes une famille unie, nous avons préféré effectuer une donation-partage devant notaire», précise ce père prévoyant. « Ainsi la valeur du bien acheté avec l’argent de la donation reste figée dans le temps, et demeure non rapportable dans la succession », explique Maître Nathalie Couzigou-Suhas, notaire dans le 6ème arrondissement de Paris. « La voie royale », selon cette dernière. Donation simple : zizanie dans la fratrie A l’inverse, Yves a donné 30 000 euros à ses deux enfants dans le cadre d’une donation simple. Son fils, Pierre a acheté un appartement de 300 000 euros. La donation correspond à 10% du bien. Par contre sa sœur Noémie a flambé ses 30 000 euros en faisant le tour du monde. Au décès du père, si l’appartement de Pierre vaut 600 000 euros, c’est comme s’il avait reçu 60 000 euros lors de la donation (10%). Il devra alors rendre 30 000 euros à sa sœur s’il n’y a pas d’autre patrimoine transmis dans la succession. Ou s’il y a par exemple 100 000 euros d’héritage, la sœur prélèvera ses 30 000 euros de différence et ils se partageront les 70 000 euros restants. De quoi semer la zizanie dans la fratrie. Prêts familiaux, dons manuels, donation simple, donation-partage, autant de moyens qui permettent de donner de l’argent à ses enfants. Mais effectivement, en ce qui concerne les donations d’argent, seule la donation-partage oblige donateurs et donataires à signer un acte notarié. Sans doute pour éviter de payer des droits de mutation, environ une famille sur trois s’y soustrairait, selon nos témoignages. C’est pourtant, la voie royale pour sécuriser l’opération. Par contre, « quel que soit le mode choisi, toute donation doit être déclarée à l’Administration fiscale », rappelle Maître Nathalie Couzigou-Suhas. A noter que chaque parent peut donner 131 865 euros par enfant tous les 15 ans sans avoir de droits de donation à régler. Deux incitations fiscales non prorogées Deux incitations fiscales étaient en vigueur du 1er janvier au 31 décembre 2015 en ce qui concerne les donations de terrain à bâtir. En plus de l’abattement légal de 100 000 euros par parent et par enfant, un abattement supplémentaire de 100 000 euros « quel que soit le nombre de donataires » était accordé, selon l’article 8 de la loi de Finances pour 2015. Un abattement supplémentaire de 100 000 euros était également instauré pour la donation d’un logement neuf, à condition de n’avoir jamais servi. Mais « le bien risque de se déprécier avec le temps, surtout s’il n’a jamais été habité », soulignait Karine Lecoq, ingénieur patrimoniale chez Lazard Frères Gestion. Les donations de terrain à bâtir restait plus intéressantes. Une fois construit, la valeur du bien est beaucoup plus importante », ajoutait-elle. C’est ce qu’avait réalisé une famille bretonne. Les parents avaient transmis un terrain d’une valeur de 500 000 euros à leurs 3 enfants. Ces derniers, encore étudiants, avaient réussi à obtenir un prêt à la banque pour faire ériger un immeuble de 3 étages en bord de mer. La banque avait pris en garantie les actifs des parents, offrant en effet un nantissement de leurs contrats d’assurance-vie à hauteur d’1 million. « Sans leurs parents, jamais ils n’auraient pu décrocher un prêt aussi important à la banque », assure Karine Lecoq, même si ce cas reste plutôt exceptionnel. En tout cas, ces incitations n’ont pas été prorogées après le 31 décembre 2015. Aujourd’hui il n’y a plus d’incitations fiscales de ce genre. Une idée à soumettre à Bercy. Alexandra Boquillon *Tous les prénoms ont été modifiés