Ce n’était pas gagné d’avance ! Après une longue bataille, le Conseil constitutionnel s’est enfin prononcé vendredi 12 janvier sur la validité de l’amendement Bourquin, une mesure permettant à tout emprunteur, peu importe la date de souscription de son crédit, de changer chaque année de contrat d’assurance-emprunteur. Si c’est une bonne nouvelle à court terme, qui devrait générer des économies substantielles pour certains emprunteurs, Vousfinancer, réseau de 170 agences de courtage en crédit s’interroge sur l’impact d’une telle mesure à moyen terme… Car le fait que tous les contrats puissent être renégociés risque de peser sur la rentabilité des banques qui devront compenser le manque à gagner engendré. Au final, cela pourrait contribuer à la remontée des taux de crédit immobilier en 2018, dans un contexte de hausses des prix également… Les Sages valident la résiliation annuelle de l’assurance de prêt Le Conseil constitutionnel s’est prononcé le 12 janvier sur la validité de la mesure permettant à tout emprunteur de changer chaque année de contrat d’assurance-emprunteur. Désormais, tous les contrats d’assurance de prêt, y compris les anciens, peuvent être résiliés à date anniversaire et être substitués par un autre, à condition que les garanties soient équivalentes et que la banque accepte ce nouveau contrat. C’était déjà le cas, pour les contrats souscrits depuis mars 2017, dans le cadre de l’amendement Bourquin (l’article 10 de la loi du 21 février 2017) qui prévoyait un droit de résiliation annuelle au-delà de 1 an pour tous les contrats. Fin octobre 2017, la Fédération française des banques (FBF), avait déposé un recours auprès du Conseil Constitutionnel pour contester l’application de ce droit de résiliation annuelle pour le stock d’anciens contrats, c’est-à-dire ceux souscrits avant le 22 février 2017, les banques craignant des départs massifs de leurs emprunteurs les plus jeunes vers des assurances moins onéreuses, ce qui remettrait en cause le modèle de mutualisation des risques. Un risque de remontée des taux de crédit... En effet, dans certaines banques, plus d’un tiers du stock de contrats de prêts pourrait être concerné par la résiliation annuelle. « Après la vague de renégociations des taux de crédit, nous allons assister cette année à la renégociation de l’assurance de prêts… Les jeunes notamment vont être concernés, car ce sont eux qui comparent le plus et pourront en outre avoir une offre d’assurance plus avantageuse avec des économies à la clé… Cela va inévitablement déstabiliser le monde bancaire qui détient 80 % du marché de l’assurance emprunteur, ce qui pourrait avoir des conséquences, sur les taux de crédit notamment… » analyse Sandrine Allonier, directrice des relations banques de Vousfinancer. « A court terme c’est une bonne nouvelle pour les emprunteurs, bien sûr… Mais à moyen terme, le fait que le stock puisse être également résilié va peser sur la rentabilité des banques. En effet les emprunteurs concernés sont essentiellement ceux qui ont souscrit un crédit récemment, donc à des taux très bas tels que nous les connaissons depuis 4 ans, et sur lesquels les marges des banques pourraient devenir négatives a posteriori une fois l’assurance résiliée… Dans ce contexte, il est certain que les banques devront trouver le moyen soit de conserver leurs emprunteurs, soit de compenser le manque à gagner, ce qui pourrait contribuer à une remontée graduelle des taux de crédit alors même qu’on anticipait plutôt une stabilité des taux en ce début d’année… » analyse Jérôme Robin, président et fondateur de Vousfinancer. Des économies substantielles à la clé Contre toute attente, les personnes atteintes de maladie trouveront un intérêt dans la résiliation de leur assurance emprunteur. Une véritable opportunité. Pour preuve, cet homme de 43 ans atteint d’un mélanome qui a emprunté, début 2006, 220.000€ sur 20 ans avec une couverture en cas de décès au taux de 0,72% (0,34% + 0,38% de surprimes). Il pourra en janvier 2018 trouver une nouvelle assurance emprunteur moins chère, autour de 0,07%, en faisant valoir son droit à l’oubli. Il réalisera ainsi une économie conséquente de 13.500€ soit, dans le cas présent, de 125€ par mois de crédit restants, selon Magnolia. Des économies en perspectives également en cas d’un changement de situation qui n’est pas à l’avantage de l’assuré Il en sera de même en cas d’un changement de situation qui n’est pas à l’avantage de l’assuré. L’exemple de ce couple pacsé de moins 30 ans en est la parfaite illustration. Ils ont contracté en janvier 2016 un crédit de 300.000€ sur 15 ans avec un taux d’assurance de prêt à 0,30%. Entre temps, le conjoint change d’activité professionnelle pour une profession dite « à risque ». Certains contrats en délégation d’assurance ne faisant pas de distinction entre profession « à risque » et profession « classique », le couple peut prétendre à une nouvelle assurance à un taux inférieur à 0,09% à compter de janvier 2018. Ils réaliseront ainsi un gain de 18.800€, soit 120€ de dépenses en moins par mois par rapport à leur assurance initiale. En cas de maladie, il faut savoir que certaines sont considérées comme étant très peu graves par certains assureurs, qui ne proposeront pas de surprime ou alors une surprime minime, comme pour le diabète. Les économies les plus conséquentes pour les moins de 40 ans La méfiance des banques à l’égard de l’emprunt des seniors est grande. Pour cause, avec les années, les antécédents médicaux sont plus nombreux et les probabilités de ne pas rembourser le prêt jusqu'à son terme sont plus élevées. « Cette population aura ainsi tendance à penser qu’elle a tout intérêt à conserver son assurance, en particulier si le prêt a été contracté il y a plusieurs années. Pourtant, et même dans cette situation, les économies ne sont pas impossibles » souligne Astrid Cousin, porte-parole de Magnolia Mais sans surprise les personnes qui réaliseront le plus d’économies restent les moins de 40 ans en bonne santé et avec une situation professionnelle stable : près de 10 000 euros par personne pour un emprunt de 250 000 euros sur 20 ans, avec un taux d’assurance groupe initial de 0,30%, renégocié à 0,06 selon une simulation de Magnolia. Bref, l’année 2018 démarre en beauté pour les emprunteurs. Alexandra Boquillon