Pour rappel, la trêve hivernale a officiellement débuté le 1er novembre dernier et prendra fin le 31 mars prochain. Durant cette période, tout locataire qui fait l’objet « d’un commandement de quitter les lieux » par huissier, ne pourra pas être expulsé. Pour autant, un bailleur peut entamer une procédure à l’encontre d’un mauvais payeur même pendant la trêve hivernale. Explications. Locataires ultra protégés par la loi Avant la mise en application de la loi Alur du 24 mars 2014, la période de trêve courait du 1ER décembre au 15 mars seulement. La loi Alur clairement pro-locataire a en effet prolongé cette période de trêve d’un mois et demi. Ainsi la trêve hivernale court officiellement entre le 1er novembre et prend fin le 31 mars. Durant cette période, tout locataire qui fait l’objet « d’un commandement de quitter les lieux » par huissier, ne pourra pas être expulsé. Le locataire dispose donc d’un répit de 5 mois pour trouver une solution de relogement ou régler ses dettes et à nouveau honorer le règlement de son loyer. Sans quoi il pourra être expulsé dès le 1ER avril 2017, date à laquelle s’achève la trêve hivernale. Deux cas possibles d’expulsion Toutefois, deux exceptions sont prévues par la loi Alur du 24 mars 2014 : un locataire peut être expulsé si son relogement se fait « dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille ». Autre cas : Si le locataire habite dans un immeuble ayant fait l’objet d’un arrêté de péril, il peut également être expulsé durant la trêve hivernale. Par contre les squatteurs ne peuvent être expulsés pendant la trêve hivernale, sauf décision contraire du juge. Enfin, la trêve hivernale protège non seulement les locataires de l’expulsion mais aussi des coupures d’eau, d’électricité ou de gaz en cas de factures impayées. C’est-à-dire qu’entre le 1er novembre et le 31 mars, l’eau, l’électricité et le gaz ne peut en aucun cas leur être coupés. Mais l'énergie consommée devra être réglée dès le 1er avril. Quels sont les droits des propriétaires ? Certes, jusqu’au 31 mars 2017 inclus, tout locataire faisant l’objet d’un jugement d’expulsion ne peut être mis à la rue par son propriétaire, en raison du froid. Par contre, sachez qu’un bailleur peut entamer une procédure à l’encontre d’un mauvais payeur même pendant la trêve hivernale. De toute façon, « pour obtenir un jugement d’expulsion, la procédure est très longue, comptez entre 9 mois et un an, voire plus », rapporte Maître Ganaëlle Soussens, avocate spécialisée en droit immobilier à Paris. Ce serait même une erreur d'attendre la fin de la trêve pour agir. "Réagissez aussitôt que votre locataire ne paye plus son loyer, quitte à tout stopper si entre temps vous trouvez un arrangement à l’amiable avec lui, sans être obligé d’avoir recours à la solution radicale et traumatisante de l’expulsion". Etapes à respecter Tout d’abord relancez le locataire par téléphone ou par mail. Au terme de deux mois d’impayés, si le bail comporte une clause résolutoire prévoyant la résiliation en cas de non-paiement du loyer, le propriétaire peut lui faire parvenir par huissier un commandement de payer (cela coûte au bailleur entre 100 et 200 euros). A défaut de règlement du locataire dans les 2 mois, le bailleur peut saisir le tribunal d'instance pour obtenir un jugement. Il faut encore patienter 2 mois minimum avant la tenue de l’audience. Enfin si le juge condamne le locataire à payer ses dettes, met fin au bail et prononce l'expulsion, le locataire a un mois pour faire appel. Attention l’appel n’empêche pas l’expulsion, prévient Maître Ganaëlle Soussens. Passé ce délai d’un mois, le locataire reçoit alors un commandement de quitter les lieux par huissier. Et doit obtempérer dans les deux mois qui suivent. A défaut, l'expulsion par les forces de l’ordre sera envisageable au terme de ce délai. Le pire scénario Au final, la trêve hivernale est problématique pour les bailleurs qui obtiennent un jugement d’expulsion prenant effet le 1er novembre par exemple. Car après de longs mois de procédures, la trêve hivernale contraint le bailleur à attendre encore 5 mois supplémentaires, un délai qui peut paraître lourd surtout si le propriétaire a encore une mensualité de crédit à rembourser à la banque dans le cadre d’un investissement locatif. Le pire scénario concerne les bailleurs ayant entamé une procédure en février. En effet si la procédure dure 9 mois ou un an, cela le conduit de facto entre le 1er novembre et février de l’année suivante, en plein cœur de la trêve hivernale. A l’inverse, si vous lancez une procédure en juillet, cela vous amènera entre le 1er avril et juillet suivant. Un véritable cauchemar pour les bailleurs Si votre locataire commence à ne plus payer pendant la trêve hivernale, cela ne change rien pour le bailleur, si la procédure entamée dure neuf mois mais si la procédure s’étale sur un an, nous revoilà à nouveau en plein milieu de la trêve hivernale ! Un véritable cauchemar pour les bailleurs. Bref, raison de plus pour réagir le plus tôt possible. Encore une fois, « quitte à stopper la procédure si entre temps, le locataire paye ses dettes », conseille Maître Ganaëlle Soussens, avocate spécialisée en droit immobilier à Paris. 3 ans de prison et 30 000 euros d’amende ! Mais en tout cas ne cherchez jamais à expulser de force vous-même un locataire mauvais payeur, même avec un jugement d’expulsion à l’appui, seules les forces de l’ordre peuvent faire exécuter la décision. Pour info, un bailleur qui procède lui-même à l’expulsion de son locataire est passible de trois ans de prison et 30.000 euros d’amende, pour violation de domicile. Alexandra Boquillon