Taux d’emprunt d’Etat à 10 ans toujours négatif (-0,07 %)… Mais quasi aucune chance d’emprunter à taux négatifs en France !

Paris, le 10 juillet 2019 – Alors qu’en Allemagne des crédits à la consommation ont été accordés à taux négatifs, et que le taux d’emprunt d’Etat français à 10 ans est régulièrement retombé en territoire négatif depuis sa 1ère incursion le 18 juin, la question pour les particuliers d’emprunter à taux négatifs en France se pose : sera-t-il un jour possible d’être payé pour emprunter ? Juridiquement et informatiquement cela pose problème aux banques… Et commercialement, peu de chances qu’elles aient besoin d’en arriver là dans un marché immobilier d’ores et déjà reboosté par les taux records… En outre cela ne serait pas forcément souhaitable car difficilement tenable même à court terme ! Seuls les taux révisables pourraient potentiellement devenir négatifs mais très peu d’emprunteurs sont concernés : actuellement 99,97 % des Français empruntent à taux fixe.

 

C’était il y a 3 ans mais la nouvelle avait marqué les esprits : au Danemark et en Belgique, en 2016, des emprunteurs avaient vu le taux de leur crédit devenir négatif, sous l’effet du passage de l’Euribor sous la barre des 0 % ! C’est d’ailleurs à ce moment-là que la plupart des banques en France avaient suspendu leur offre de prêt à taux révisables afin d’éviter une telle situation. Mais alors que les taux d’emprunt d’Etat français viennent eux aussi de franchir ce seuil symbolique, serait-il possible d’emprunter à taux fixe négatif en France ?

Juridiquement, il est compliqué d’emprunter à taux négatif : le code civil ne le prévoit pas !

Depuis le début de l’année 2019, les taux de crédit sont descendus à des niveaux records qu’il était difficile d’imaginer il y a quelques années, voire quelques mois ! Pour les meilleurs profils Vousfinancer, réseau de 200 agences de courtage en crédit, a réussi à obtenir des taux à 0,3 % sur 7 ans, 0,6 % sur 15 ans, 0,80 % sur 20 ans ou 0,95 % sur 25 ans.

Mais alors, jusqu’où les taux pourraient-ils descendre ? « Si les taux de crédit ont peut-être encore un potentiel de baisse, bien sûr désormais limité, il n’y a pas de raison ni commerciale, ni économique que les banques se mettent à prêter à taux négatifs ! La demande de crédit est fortement repartie depuis la fin du 1er trimestre et on s’achemine vers une année record à tous les niveaux, tant en termes de transactions immobilières que de production de crédits. Alors pourquoi le feraient-elles ? En outre, elles ont des arguments juridiques pour se l’interdire ! » explique Jérôme Robin, directeur général de Vousfinancer.

En effet plusieurs articles du code civil semblent avoir été rédigés en ce sens, même s’il s’agit d’une situation inédite qui n’a justement jamais été anticipée !

  • Article 1902 du code civil : « L’emprunteur est tenu de restituer le capital emprunté »
  • Article 1905 du code civil : « Les intérêts sont versés à titre de rémunération des fonds prêtés sur une durée donnée ». La finalité de l’intérêt est donc la rémunération du prêt, qui ne pourrait donc pas négative.
  • En outre, le paiement des intérêts n’est prévu que de la part de l’emprunteur et n’est jamais mentionné « dans l’autre sens », du prêteur envers l’emprunteur (article 1906 du code civil : « L'emprunteur qui a payé des intérêts qui n'étaient pas stipulés ne peut ni les répéter ni les imputer sur le capital »).

Or dans un scénario fictif, un particulier qui obtiendrait un prêt à taux fixe de 200 000 € à – 0,25 % sur 20 ans se verrait verser chaque mois une somme d’intérêts (pour un total de 4 979 €). Ces intérêts déduits, on peut considérer qu’il ne rembourserait à la banque que 195 021 €. « Les banques invoquent de nombreux arguments pour démontrer leur incapacité à appliquer des taux négatifs comme par exemple le fait que le contrat de prêt est un contrat onéreux ou qu’un index négatif conduisant à un taux d’intérêt négatif est contraire au droit français, ou encore que le contrat ne peut plus être qualifié de prêt puisque l’emprunteur ne remplit plus son obligation de payer les intérêts, mais ces arguments peuvent être déboutés un par un. En cas de taux négatif l’emprunteur rembourse tout de même le capital emprunté mais se voit verser en compensation une somme d’argent qui vient diminuer le montant net versé à la banque. Mais le capital lui est bien remboursé ! En plus même à taux négatif, la banque peut dégager une marge par ailleurs, certes faible, qui lui sert de rémunération » explique Maitre Gwenaelle Soussens, avocate experte en droit immobilier.

D’ailleurs en 2017, après plusieurs mois de procédure judiciaire, un emprunteur a obtenu gain de cause devant les tribunaux : il avait souscrit en 2011 un crédit à taux révisable à 1,7 % indexé sur l’Euribor 3 mois (à 0,0083 % à l’époque) non capé à la baisse. En 2015 lors du passage en territoire négatif de l’Euribor 3 mois, la banque avait refusé d’appliquer la règle de calcul du taux d’intérêt. Le tribunal a considéré que cela revenait a modifié unilatéralement les clauses du contrat de prêt qui ne prévoyait pas de plancher… La banque a été condamnée en appel à verser 2000 € à l’emprunteur.

A taux révisables, la question pourrait se poser mais…

Actuellement, en 2019, 99,97 % des Français empruntent à taux fixe (source : Crédit logement) – un chiffre stable depuis 2017) – notamment parce qu’ils sont très attractifs mais aussi parce que la plupart des banques ont suspendu leur offre à taux révisable depuis 2016.

Extrait du barème d’une banque ayant suspendu la commercialisation

de son offre à taux révisable et mixte (fixe puis révisable)

Celles qui proposent encore des taux révisables le font à des taux dissuasifs conduisant les emprunteurs à privilégier les taux fixes, très attractifs. Par exemple l’un de nos partenaires proposent des taux révisables à 1,17 % sur 20 ans (plafonné à 3,17 %) contre 1,05 % au mieux à taux fixe sur la même durée. L’ indice de référence est la moyenne sur 3 mois de l'Euribor 1 an, en territoire négatif depuis avril 2016 (- 0,27 % ce jour) avec un « révision annuelle de la mensualité, à la hausse, dans la limite du taux plafond (taux initial + 2 points), ou sans limite à la baisse ». Le taux révisable pourrait ainsi tomber en territoire négatif, à moins qu’une clause dans l’offre de prêt stipule l’inverse, précautions mises en place par quelques banques depuis 2016…

Une question qui se pose aussi au sein même des banques !

Reste que ce contexte inédit conduit malgré tout certains établissements bancaires à s’interroger également sur l’application de taux négatifs. « Cette conjoncture de taux négatifs est un vrai enjeu à plusieurs niveaux dans les banques et soulève de nombreuses questions en interne : juridiquement la possibilité de proposer un taux négatif reste floue… Certains services juridiques de banques travaillent sur la question car cet environnement de taux est une situation inédite qui pourrait durer dans le temps. Informatiquement également le problème se pose car les logiciels bancaires ne sont pas en mesure actuellement d’appliquer des taux négatifs… et économiquement évidement c’est un souci car la rentabilité de la branche crédit immobilier pourrait être encore plus impactée qu’elle ne l’est déjà par les taux records et les vagues successives de renégociations de crédit que les banques ont vécu et continuent à subir ! » analyse Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer.

Evidement c’est uniquement en cas de contrainte que les banques appliqueraient des taux négatifs… mais ce n’est pas forcément souhaitable. « Si du point de vue de l’emprunteur on ne peut que se réjouir du niveau actuel des taux, à moyen terme on sent bien que cette situation n’est pas durable : les banques prêtent des montants croissants, sur des durées de plus en plus longues, avec de moins en moins d’apport personnel et à des taux de plus en plus bas… Elles ont de plus en plus de mal à dégager une rentabilité en plaçant leurs liquidités mais doivent continuer à bien rémunérer l’épargne, notamment règlementée… On sent bien que cette situation est artificiellement favorable, et que le retour à la normalité pourrait très difficile » conclut Sandrine Allonier.           

A propos de Vousfinancer

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